La descente surprise du président Mahamat Idriss Déby Itno, ce 16 juin 2025, dans les locaux de la Caisse Nationale des Retraités Civils du Tchad (CNRCT), a suscité un vif écho dans l’opinion publique. Présenté comme un acte de proximité et de réactivité, ce geste présidentiel soulève cependant des interrogations sur sa portée réelle, au-delà du coup de communication politique.
Un constat alarmant mais pas nouveau
Le fait que le chef de l’État n’ait trouvé sur place qu’un seul chef de service, en pleine matinée, est certes révélateur d’un dysfonctionnement grave dans le service public. Mais ce constat d’absentéisme administratif, de lenteurs et de manque de responsabilité est depuis longtemps dénoncé, sans que des mesures structurelles ne soient prises.
Cette visite n’a fait que confirmer ce que les retraités et les usagers vivent au quotidien : délais interminables dans le traitement des dossiers, non-paiement régulier des pensions, manque de considération. Faut-il vraiment une « descente inopinée » du président pour que les problèmes soient enfin reconnus comme urgents ?
Des instructions, encore…
Le président a ordonné, séance tenante, un contrôle immédiat de la CNRCT par l’Autorité Indépendante de Lutte contre la Corruption (AILC). Mais la promesse de contrôle, aussi salutaire soit-elle, rappelle d’autres annonces similaires dans le passé, restées sans suite visible.
Si cette instruction aboutit à des audits rigoureux, à des sanctions effectives et à une refonte de la gestion administrative, elle pourrait ouvrir une nouvelle ère. Mais si elle s’inscrit dans une série de décisions sans lendemain, elle ne fera qu’alimenter un cycle de communication sans réforme.
Un message politique à double tranchant
Sur le plan politique, cette visite donne l’image d’un président engagé, proche du peuple, soucieux du sort des oubliés du système. Mais elle peut aussi être perçue comme un aveu d’échec de l’administration qu’il dirige depuis quatre ans : pourquoi attendre 2025 pour constater des dérives que la société civile dénonce depuis des années ?
En outre, ce type d’initiative personnalisée, qui repose sur l’intervention directe du chef de l’État pour régler des problèmes de gestion quotidienne, met en lumière la fragilité des institutions de contrôle et l’absence d’une chaîne de responsabilité fonctionnelle.
Et après ?
Pour que cette descente soit plus qu’un coup d’éclat, elle doit s’inscrire dans une stratégie plus large de refondation de l’administration publique, d’autonomisation des organes de régulation, et de valorisation de la fonction publique. Les retraités, qui ont servi la nation, méritent mieux que des visites ponctuelles : ils attendent une dignité systémique, une écoute institutionnalisée, et un traitement juste.
La visite surprise du président à la CNRCT révèle à la fois un acte politique fort et les limites du fonctionnement étatique. Entre volonté de changement et gesticulation symbolique, la suite donnée à cette initiative permettra de juger si elle marque un véritable tournant ou si elle n’était qu’un épisode de plus dans une gouvernance centrée sur l’image plutôt que sur l’efficacité.