Déclaration : Genève – 10 septembre 2024
Tchad : Les actes doivent accompagner les promesses de lutter contre la torture.
A l’invitation de la Commission nationale des droits de l’homme du Tchad, une délégation de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) a effectué une mission de haut niveau dans le pays du 1er au 6 septembre 2024. Cette mission consistait à faire le suivi de la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité des Nations unies contre la torture, en novembre 2022.
Les audiences avec le Premier ministre, le ministre de la Justice et le premier vice-président du Conseil national de transition ont permis de réaffirmer les engagements des autorités tchadiennes à prévenir et lutter contre la torture. Il s’agit notamment d’un engagement ferme en vue de la ratification du protocole facultatif à la Convention contre la torture, l’adoption de mesures visant le respect des délais de garde à vue et l’amélioration des conditions de détention dans les lieux de privation de liberté.
De même, les autorités se sont engagées à soutenir le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme en lui octroyant un budget suffisant et les moyens adéquats pour mieux remplir sa mission de protection des droits humains y compris de prévention de la torture. Même si ces engagements sont louables, il faut tout de même noter une recrudescence d’arrestations arbitraires et des détentions au secret par les services de renseignement au Tchad.
L’OMCT a par exemple été informée de l’arrestation et de la détention sans mandat judiciaire de Monsieur Ismael Ngakoutou, ancien Directeur Général Adjoint de la Commercial Bank Tchad, depuis le 10 juillet 2024 par l’Agence Nationale de Sécurité de l’État (ANSE) alors qu’il s’apprêtait à rejoindre sa famille en France.
Deux mois plus tard, il n’a toujours pas été présenté à un juge, son lieu de détention est tenu secret, il n’a pas accès à sa famille et ses avocats craignent qu’il soit exposé à l’isolement cellulaire et à la torture et autres formes de mauvais traitements. De même les conditions de détention à la prison de Klessoum que l’OMCT a visité, demeurent préoccupantes. En réalité, cette prison reste confrontée au défi de la surpopulation carcérale avec un nombre de détenus atteignant trois fois la capacité d’accueil et des détentions préventives prolongées et abusives.
En outre, les conditions de vie notamment d’alimentation, d’accès à l’eau potable, à la ventilation et aux soins de santé restent précaires. La situation particulière des 28 mineurs de cette prison a retenu l’attention des délégués de l’OMCT, puisqu’ils sont exposés aux intempéries, sans couchettes adéquates et 4 d’entre eux ont moins de 13 ans, l’âge autorisé pour être en prison.
Enfin, les autorités n’ont toujours pas fait la lumière sur les évènements d’octobre 2022 qui ont conduit à la mort de plus de 218 personnes et plusieurs centaines de blessés dans le cadre de la répression d’une manifestation. En dépit de l’adoption d’une nouvelle constitution garantissant la prohibition absolue de la torture en toute circonstance, des enquêtes n’ont toujours pas eu lieu et les auteurs n’ont toujours pas été identifiés et punis.
L’OMCT appelle les autorités tchadiennes à mettre en pratique leurs promesses de cadre juridique en vigueur et les traités internationaux dument ratifiés afin de garantir la libération des personnes en détention arbitraire, l’amélioration des conditions de détentions et la conduite des enquêtes sur les évènements du 20 octobre 2022.
Source: https://www.omct.org/fr/ressources/declarations/tchad-les-actes-doivent-accompagner-les-promesses-de-lutter-contre-la-torture