Au marché à viande de Dembé, à N’Djamena, les étals regorgent de carcasses de bœuf, de mouton et de chèvre. Les clients s’y pressent chaque matin, habitués à cette viande qui constitue un aliment de base dans la cuisine tchadienne. Riche en protéines et symbole de prestige, la viande est omniprésente dans les assiettes, surtout lors des fêtes. Mais au-delà de ses vertus nutritives, sa consommation soulève aujourd’hui de sérieuses préoccupations sanitaires et environnementales.
Une culture culinaire bien ancrée
Au Tchad, consommer de la viande, c’est perpétuer un héritage culturel. Dans les familles, elle est souvent réservée aux grandes occasions : mariages, baptêmes, fêtes religieuses. « Quand il n’y a pas de viande, la fête n’est pas complète », confie Hadje Amina, une mère de famille rencontrée à Farcha. L’élevage, notamment dans les régions sahéliennes, soutient cette tradition. Environ 40 % de la population dépend de cette activité, selon le ministère de l’Élevage.
Une source précieuse de nutriments
Sur le plan nutritionnel, la viande apporte des protéines de qualité, du fer, du zinc et des vitamines du groupe B. « Chez les enfants en croissance ou les femmes enceintes, une consommation modérée de viande contribue à prévenir certaines carences », explique le Dr Mahamat Moussa, nutritionniste à l’hôpital général de N’Djamena. Elle constitue aussi une source d’énergie essentielle pour les populations rurales qui mènent des activités physiques intenses.
Mais des risques non négligeables
Cependant, la face cachée de cette consommation est moins reluisante. Une étude menée en 2023 par l’Ordre national des vétérinaires du Tchad révèle que près de 60 % de la viande vendue dans les marchés échappe à tout contrôle sanitaire. Abattages clandestins, absence de réfrigération, transports inadéquats : autant de facteurs qui favorisent la prolifération de maladies d’origine animale.
« Nous constatons une recrudescence de cas de toxi-infections alimentaires, surtout pendant la saison chaude », alerte le Dr Zara Yacoub, médecin généraliste. À cela s’ajoute une tendance inquiétante à la surconsommation de viande rouge, associée à des risques d’hypertension, de diabète et de maladies cardiovasculaires.
Un impact écologique sous-estimé
Au-delà des risques pour la santé, l’élevage intensif pèse sur l’environnement. Le surpâturage contribue à la dégradation des terres, accentue la désertification et alimente les conflits entre éleveurs et agriculteurs. Dans certaines régions du Sud, les tensions sont récurrentes lors de la transhumance.
Vers une consommation plus raisonnée
Pour les spécialistes, il ne s’agit pas de renoncer à la viande, mais d’en consommer autrement. « Diversifier les sources de protéines, privilégier les circuits d’abattage contrôlés et adopter de meilleures pratiques d’élevage sont des solutions réalistes », propose le Pr Abakar Mahamat, enseignant en santé publique à l’Université de N’Djamena.
Le gouvernement, de son côté, mise sur la modernisation des abattoirs et la formation des bouchers pour améliorer la qualité sanitaire. Mais les moyens restent limités.
La viande, pilier de l’alimentation tchadienne, est à la croisée des chemins. Si elle reste indispensable pour des millions de familles, sa consommation soulève des défis majeurs pour la santé publique et l’environnement. La sensibilisation, la régulation et l’éducation des consommateurs seront les clés d’un changement durable.




