Tchad| « Tolérance Zéro Sélective » : la paix, oui, mais pour qui ?

À l’occasion de la fête de Tabaski, moment censé incarner l’unité, le pardon et la justice, le président Mahamat Idriss Déby a brandi une fois de plus le glaive de la « tolérance zéro » et de la « fermeté absolue » contre ceux qui, selon lui, « compromettent la cohabitation pacifique, la paix sociale, l’unité nationale et l’intégrité territoriale ». Un discours martial à l’allure de profession de foi républicaine… mais dont la résonance sur le terrain reste à géométrie variable.

Une fermeté très ciblée

Dans les faits, la politique de « tolérance zéro » semble s’appliquer avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit de voix critiques du pouvoir : journalistes interpellés, opposants muselés, manifestations pacifiques réprimées, réseaux sociaux bridés. Pourtant, face aux dérives de certains segments de l’appareil sécuritaire, aux milices locales armées ou aux seigneurs de guerre recyclés dans l’administration, la main de l’État paraît bien moins ferme, voire complaisante. Tolérance zéro pour les faibles, impunité structurelle pour les puissants.

Cohabitation pacifique ou paix des cimetières ?

Le président prône la cohabitation pacifique, mais le discours ne s’accompagne pas de mécanismes équitables de justice ou de réconciliation. Les conflits intercommunautaires qui ensanglantent certaines provinces sont rarement élucidés, et encore plus rarement punis. L’unité nationale brandie comme une injonction ne peut être construite sur le silence forcé des griefs légitimes ou sur l’exclusion de certaines voix de la sphère politique.

Une rhétorique usée

En réalité, la formule de « tolérance zéro » revient comme un refrain dans la bouche des dirigeants africains, souvent à la veille de rendez-vous symboliques. Mais au Tchad, elle commence à sonner creux, tant elle est répétée sans cohérence ni impartialité. Elle devient l’alibi d’un État fort avec les faibles et faible avec les forts.

Et demain ?

La véritable paix sociale ne saurait être le résultat d’une simple posture sécuritaire. Elle exige la justice, l’égalité devant la loi et la liberté d’expression. Autrement, la paix ne sera qu’apparente une chape de plomb sur une société frustrée, désabusée, mais toujours en quête de vérité.

En cette Tabaski, l’appel présidentiel aurait pu être une main tendue vers un renouveau inclusif. Il n’aura été qu’un rappel de la verticalité autoritaire du pouvoir. Et c’est là que réside toute la contradiction d’un régime qui clame l’unité tout en cultivant l’injustice sélective.

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