Depuis l’arrestation de l’ancien Premier ministre Succès Masra, survenue dans un contexte de contestation post-électorale, la tension reste vive dans les rangs du Parti Les Transformateurs. Dans un climat où la parole devient un acte de courage, Trace Infos a recueilli le témoignage exclusif de Gounmet Laurent Targuign, cadre du parti. Il dénonce une « stratégie d’étouffement » de l’opposition et alerte sur les conséquences profondes de la répression politique.
« Ce n’est plus de la politique. C’est une opération de démolition morale. On veut criminaliser l’espérance », lance-t-il, les traits tirés mais la voix ferme.
Dès le début de l’échange, Gounmé Laurent salue le courage des journalistes qui osent encore se rendre au siège du parti, désormais placé sous haute surveillance. Pour lui, cette présence est symbolique : elle marque le refus de céder au climat de peur instauré depuis l’annonce contestée des résultats de la présidentielle du 6 mai.
Une arrestation qui dépasse le symbole
Le cadre des Transformateurs décrit l’arrestation de Dr Succès Masra non pas comme un simple fait politique, mais comme une attaque frontale contre « l’idée même d’alternance démocratique ».
« C’est un leader pacifique qu’on a traité comme un criminel. Une quinzaine de militaires sont venus l’enlever. Pour quoi ? Pour une idéologie de justice, d’égalité et de dignité qu’il prône depuis le début », dénonce-t-il.
Pour Laurent Targuine, cette arrestation a un impact global sur le pays. « Elle détruit la confiance, elle assèche le débat, elle déstabilise l’économie et elle humilie la nation », insiste-t-il, évoquant une situation qui n’est pas sans rappeler celle de figures historiques comme Nelson Mandela ou Martin Luther King.
« Masra se définit lui-même comme un « mandéliste ». Il croit à la paix, au dialogue, au pardon. Même Mandela a gouverné avec ses bourreaux. C’est cette vision que l’on tente aujourd’hui d’éteindre. »
Une peur panique du vote ?
Selon Gounmé Laurent, l’affaire Madakao n’est qu’un « prétexte cousu de fil blanc » pour justifier une arrestation devenue inévitable aux yeux du pouvoir. Il pointe une autre réalité : la peur de la défaite dans les urnes.
« Ils savent qu’ils ont perdu l’élection. Jusqu’à aujourd’hui, aucun procès-verbal crédible n’a été présenté. Le jour de la proclamation, c’était l’armée qui encerclait notre siège, comme lors du 20 octobre 2022. »
Ce parallèle avec le massacre du 20 octobre est pour lui révélateur. Il évoque des tirs à balles réelles, des morts dans leurs propres concessions, des disparus dont on ne parle plus. « Ce n’était pas des tirs de joie. Ce n’était pas une célébration. C’était un message. »
Une résilience intacte
Face à ce qu’il qualifie de « stratégie de la terreur », le cadre du parti refuse de céder au découragement. Il appelle les Tchadiens à garder la tête haute et à rester unis autour de l’idéal porté par leur leader.
« Ce combat n’est pas pour Masra. Ce combat est pour nous tous. Ce qu’ils veulent, c’est tuer la foi d’un peuple en lui-même. Mais nous sommes debout, et nous resterons debout. »
Dans un contexte où les libertés se rétrécissent et où l’espace politique se referme, ce témoignage sonne comme un cri du cœur. Un cri de résistance face à l’oubli, face à la peur, face au silence imposé.