Tchad| Sécurité : Quand l’appel à la neutralisation devient un risque de dérive autoritaire

Le Tchad est une nouvelle fois secoué par une déclaration controversée d’un haut responsable de l’État. Lors d’un point de presse relayé par plusieurs médias, le ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, le Général de corps d’armée Ahmat Aghabach, a tenu des propos qui suscitent de vives inquiétudes au sein de l’opinion publique et des défenseurs des droits humains.

Le Tchad est une nouvelle fois secoué par une déclaration controversée d’un haut responsable de l’État. Lors d’une rencontre avec les autorités locales dans le Ouaddaï, relayé par plusieurs médias, le ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, le Général de corps d’armée Ahmat Aghabach, a tenu des propos qui suscitent de vives inquiétudes au sein de l’opinion publique et des défenseurs des droits humains.

« Un criminel qui attaque, vole et tue sur les routes n’a aucun respect pour les droits de l’homme. Si vous l’interceptez en flagrant délit, neutralisez-le sur place. Et si quelqu’un évoque ses droits, dites-lui de venir me voir », a-t-il déclaré d’un ton ferme, appelant ainsi implicitement les forces de sécurité à procéder à des exécutions extrajudiciaires en cas de flagrant délit.

Des propos inquiétants pour l’État de droit

Cette sortie musclée, bien que présentée comme une réponse à l’insécurité persistante sur les axes routiers tchadiens, pose de sérieux problèmes juridiques et éthiques. En appelant à « neutraliser sur place » des présumés criminels, le ministre franchit une ligne rouge : celle du respect du droit à la vie et à un procès équitable, piliers fondamentaux de toute démocratie respectueuse des droits humains.

Dans un contexte déjà marqué par une justice souvent perçue comme défaillante et une répression sévère des mouvements sociaux, cette prise de position risque de légitimer l’usage excessif de la force et les dérives sécuritaires. Elle pourrait également renforcer l’impunité au sein des forces de l’ordre, souvent accusées de brutalités sans que les responsables soient sanctionnés.

Une insécurité réelle, mais des solutions discutables

Certes, le phénomène des coupeurs de route reste une réalité dramatique qui endeuille régulièrement des familles tchadiennes. Mais lutter contre cette criminalité ne saurait justifier des pratiques extrajudiciaires. Ce sont justement les contextes d’insécurité qui nécessitent des réponses fermes mais encadrées par le droit.

Les ONG locales et internationales appellent à la retenue et rappellent que même en cas de flagrant délit, les forces de sécurité doivent procéder à des interpellations dans le respect de la légalité. Les suspects doivent être jugés et condamnés, s’il y a lieu, par des tribunaux compétents. Autrement, c’est l’État lui-même qui devient hors-la-loi.

Appel à la responsabilité gouvernementale

La déclaration du ministre Aghabach ne peut être banalisée. Elle engage la responsabilité politique et morale du gouvernement dans un climat déjà tendu. Un pays qui prétend avancer vers la démocratie et la paix, de tels propos contredisent les engagements officiels du Tchad en matière de droits humains, notamment ceux contenus dans les instruments juridiques internationaux auxquels il a souscrit.

Au lieu d’encourager la « neutralisation » sommaire, les autorités gagneraient à renforcer le système judiciaire, à améliorer les conditions de travail des forces de sécurité, à instaurer un mécanisme indépendant de contrôle et à travailler à regagner la confiance des populations par la justice, et non la peur.

En somme, la sécurité ne peut être assurée au prix du piétinement des droits fondamentaux. Sinon, le remède devient pire que le mal.

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