Dans les rues de N’Djamena, Moundou ou Abéché, une scène désormais banale interpelle les passants : des enfants fouillant les ordures, à la recherche de bouteilles plastiques, de canettes ou de ferraille. Derrière cette image familière se cache une réalité bien plus sombre : des enfants livrés à eux-mêmes, contraints par la pauvreté à participer à une forme de recyclage informel, souvent au péril de leur santé et de leur avenir.
La pauvreté, moteur silencieux
À Sabangali, le jour vient à peine de se lever. Les premières lueurs de l’aube éclairent la silhouette discrète d’un enfant, sac en main, fouillant silencieusement une benne à ordures. Il s’appelle Issa. Il a 13 ans, peut-être moins. Comme beaucoup d’autres, il cherche du plastique, des bouteilles ou des morceaux de métal qu’il pourra revendre.
Sur son passage, les regards se détournent. Certains le regardent avec mépris, d’autres avec pitié. Pour Issa, c’est une routine bien rodée : il connaît les coins où les déchets sont les plus abondants, les heures où les poubelles débordent. Il n’attend plus grand-chose de la vie, si ce n’est de quoi rapporter quelques francs CFA à la maison.
Issa n’est pas seul. Chaque jour, ils sont des dizaines, parfois des centaines, à arpenter les rues, les marchés et les dépotoirs de la capitale. Sac plastique sur le dos, pieds nus dans la poussière et les détritus, ces enfants travaillent sans âge, sans protection, sans sécurité. Pourtant, ils travaillent. Dans l’indifférence générale.
Ce sont les oubliés d’un système économique qui les pousse aux marges. Là où la pauvreté impose ses lois, même les ordures deviennent une source de revenus. Quelques bouteilles contre un repas — mais à quel prix ?
Des risques sanitaires et sociaux considérables
Dans les marchés, les enfants attendent patiemment que les commerçants ferment boutique. Dès qu’ils partent, ils fouillent dans les déchets abandonnés, dans l’espoir d’y trouver quelques objets revendables.
Ramasser, trier, vendre : la chaîne est bien rodée, même si elle reste informelle. Les bouteilles plastiques se vendent entre 25 et 50 francs CFA. Le fer, un peu plus. Le plastique dur, parfois moins. Il faut remplir un sac entier pour espérer se payer un modeste repas dans une « tourne-dos », ces petits restaurants de quartier. Alors ils insistent, fouillent plus profondément, plus loin.
Mais ce que beaucoup considèrent comme un simple « petit boulot » dissimule des dangers majeurs. Les enfants manipulent des objets tranchants, parfois même explosifs. Ils marchent pieds nus sur du verre cassé, inhalent des vapeurs toxiques, touchent à des déchets médicaux contaminés. Les blessures sont fréquentes, les infections aussi. Sans soins. Sans suivi.
Et puis, il y a un autre prix, plus sournois : celui de la déscolarisation. Lorsqu’on passe ses journées à fouiller les ordures, on ne va plus à l’école. On oublie les lettres. On abandonne les rêves. On devient adulte trop tôt, sans jamais avoir eu d’enfance.