Le discours prononcé par le président Mahamat Idriss Déby Itno, à l’occasion du 65e anniversaire de l’indépendance du Tchad, s’inscrit dans la continuité des adresses présidentielles classiques : hommage aux pionniers, rappel des valeurs d’unité, et projection vers un avenir plus prospère. Mais derrière la solennité des mots, ce message révèle autant les ambitions affichées que les défis persistants.
L’allocution, dense et couvrant tous les secteurs clés de l’éducation à l’agriculture, en passant par les infrastructures, la santé et la diplomatie, dresse un catalogue d’objectifs ambitieux : autosuffisance alimentaire, industrialisation de l’élevage, couverture santé universelle, décentralisation effective, modernisation énergétique, lutte implacable contre la corruption. Le président se positionne comme un chef d’État à la fois stratège et homme de terrain, revendiquant un suivi rigoureux des engagements et une proximité avec les populations.
Sur le plan politique, la référence à la « transition politique bouclée » et au « nouveau cadre de concertation » laisse transparaître la volonté de tourner la page d’une période sensible, tout en tendant la main à l’opposition. Cependant, le défi reste de traduire cette ouverture en actions concrètes capables de restaurer une confiance politique fragilisée par des années de tensions.
En matière de sécurité, le discours insiste sur la position du Tchad comme pilier régional face aux crises, notamment au Soudan et face au terrorisme. Si cette posture de gendarme du Sahel est valorisante sur la scène internationale, elle mobilise des ressources considérables et pèse sur les capacités de développement interne.Reste enfin la question centrale : la faisabilité. Les ambitions affichées du « Tchad connexion 2030 » à la réforme structurelle de l’économie, nécessitent une mobilisation financière et institutionnelle sans précédent. Or, le pays reste confronté à une dépendance vis-à-vis des bailleurs et à des problèmes de gouvernance que le chef de l’État lui-même reconnaît en évoquant la corruption et la mauvaise gestion passées.
En définitive, ce message à la nation, riche et structuré, a le mérite de tracer une feuille de route claire et de fixer des priorités. Mais il laisse également planer une interrogation : à l’épreuve des réalités socio-économiques et politiques, cette vision pourra-t-elle dépasser le stade du discours ? Les Tchadiens, à qui le président demande « patience » et « confiance », attendent désormais des résultats tangibles, seule véritable pierre blanche dans l’histoire du pays.