Tchad : Le diplôme, un parchemin sans promesse pour une jeunesse désabusée

Dans les rues de N’Djamena, les jeunes diplômés errent avec leurs CV sous le bras, à la recherche d’un emploi qui tarde à venir. Beaucoup d’entre eux ont suivi le parcours « classique » : école, université, stages. Mais à l’arrivée, le constat est amer : leur diplôme, jadis perçu comme une clef vers l’ascension sociale, ne garantit plus rien. Nadia, 28 ans, diplômée en comptabilité, confie avec lassitude qu’elle a fait tout ce qu’on lui a demandé les études, les stages, des formations supplémentaires mais qu’elle se retrouve aujourd’hui à vendre des beignets au quartier pour survivre.

Le chômage des jeunes diplômés urbains a atteint un niveau inquiétant. Selon les chiffres du ministère de l’Économie, il avoisinerait les 35 %, bien que certains spécialistes estiment ce chiffre en deçà de la réalité. L’économie formelle peine à absorber cette main-d’œuvre qualifiée. Le secteur privé est étroit, le tissu industriel presque inexistant, et la fonction publique, jadis considérée comme l’issue la plus sûre, est aujourd’hui saturée.

Le décalage entre la formation universitaire et les besoins du marché aggrave la situation. Des promotions entières sortent chaque année des universités avec des diplômes en droit, en gestion ou en lettres modernes, mais se heurtent à un monde du travail qui ne les attend pas. Un économiste basé à Sarh souligne que ces formations sont souvent trop théoriques, sans lien réel avec les compétences pratiques que recherchent les rares employeurs.

Face à cette impasse, de nombreux jeunes s’accrochent à des emplois précaires, souvent sans contrat, ni salaire stable. Idriss, diplômé en administration publique, enchaîne depuis deux ans des stages non rémunérés et se dit aujourd’hui « bénévole dans une administration », juste pour ne pas rester chez lui. Ce phénomène de « bénévolat par contrainte » s’est banalisé, surtout dans les ONG et les projets internationaux, où beaucoup espèrent être embauchés un jour.

Pour tenter d’endiguer la crise, le gouvernement mise depuis quelques années sur l’entrepreneuriat. Des concours, des incubateurs et des programmes de microfinancement ont vu le jour. Mais ces initiatives restent dispersées, mal financées, et souvent inaccessibles pour les jeunes les plus modestes. Une consultante en développement local explique que, pour créer une entreprise, il ne suffit pas d’avoir une idée. Il faut aussi un accompagnement, un accès au financement, un environnement administratif stable et un marché. Des conditions rarement réunies dans le contexte tchadien.

En attendant, une bonne partie de la jeunesse diplômée sombre dans le désespoir, tandis que l’autre caresse le rêve de l’exil. « On nous demande de croire en l’avenir, mais quel avenir quand même le savoir ne garantit plus la dignité ? », murmure une jeune femme dans un cybercafé de Moursal. Ce murmure, répété dans toutes les villes du pays, révèle le désenchantement d’une génération à qui l’État n’a plus grand-chose à offrir, si ce n’est le silence.

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