Tchad : le cheptel bovin au défi du changement climatique

Dans les plaines arides du Sahel, le bétail est plus qu’une richesse. Il est un pilier de l’économie et un marqueur culturel fort pour des milliers d’éleveurs tchadiens. Pourtant, ce patrimoine pastoral est aujourd’hui à la croisée des chemins, menacé par les effets toujours plus visibles du changement climatique.

Des pâturages qui s’effacent

La raréfaction des pluies, la désertification galopante et la dégradation des sols transforment le quotidien des éleveurs. Les zones de pâturage se rétrécissent et les parcours traditionnels de transhumance deviennent impraticables. Résultat : les troupeaux sont affaiblis, la production laitière chute, et les conflits d’usage avec les agriculteurs s’intensifient.

« Avant, on pouvait nourrir 200 têtes sans quitter la région. Aujourd’hui, il faut marcher des centaines de kilomètres pour trouver de l’herbe », témoigne Youssouf Abakar, éleveur à Moussoro.

La santé animale en péril

Les conditions climatiques extrêmes affectent aussi la santé du bétail. Les vagues de chaleur prolongées augmentent la mortalité, en particulier chez les veaux. À cela s’ajoute la recrudescence de maladies liées à la sécheresse ou à la proximité avec des zones insalubres : dermatose nodulaire, fièvre aphteuse, ou encore parasitoses.

Les services vétérinaires, déjà sous-dotés, peinent à couvrir l’ensemble du territoire. Dans plusieurs provinces, les campagnes de vaccination sont irrégulières, faute de moyens logistiques.

Une menace pour la sécurité alimentaire

Au Tchad, l’élevage représente près de 20 % du PIB et emploie directement ou indirectement près de 40 % de la population. La vulnérabilité du cheptel n’est donc pas qu’un problème pastoral, c’est aussi un enjeu de sécurité alimentaire et de stabilité économique.

Selon une étude de la FAO, une baisse continue de la productivité du bétail pourrait accentuer les pénuries de lait, de viande et de cuir, essentiels à la consommation locale et aux exportations.

Repenser les stratégies pastorales

Face à ces défis, les solutions émergent lentement. Le gouvernement, appuyé par des ONG et partenaires internationaux, expérimente des systèmes d’alerte climatique, la cartographie des points d’eau, et la promotion d’aliments pour bétail à base de résidus agricoles. Mais l’impact reste limité sans une réelle politique d’adaptation climatique.

Pour Dr Fatimé Ahmat, vétérinaire spécialisée en climat-pastoralisme : « Il faut une réforme profonde : former les éleveurs aux techniques modernes, investir dans des couloirs de transhumance sécurisés, et intégrer les données météorologiques aux prises de décision. »

Un avenir incertain, mais encore possible

Le cheptel bovin tchadien est résilient. Il a traversé famines, sécheresses et crises sanitaires. Mais le défi climatique exige une approche nouvelle, urgente et coordonnée. Sauver ce pilier du monde rural, c’est préserver bien plus qu’une ressource économique : c’est défendre un mode de vie, une culture, et l’équilibre de tout un pays.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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