Tchad : jeunes et femmes à la marge de l’engagement civique, entre espoirs et blocages

Au Tchad, les discours sur la jeunesse comme « fer de lance de la nation » et les femmes comme « piliers de la société » sont omniprésents. Pourtant, dans les faits, leur place dans la vie publique reste marginale. Qu’il s’agisse de la participation politique, du militantisme associatif ou de l’implication dans les instances de concertation citoyenne, les jeunes et les femmes peinent à faire entendre leur voix. Entre inertie institutionnelle, poids des traditions et précarité sociale, décryptage des freins à leur engagement civique.

Une éducation civique absente ou inadaptée

Dans les établissements scolaires tchadiens, l’éducation civique reste théorique, peu interactive, et parfois totalement absente. « On nous parle de la Constitution, mais jamais de nos droits concrets ni de comment agir dans la société », regrette élève à N’Djamena. À cela s’ajoute un accès limité à l’information, notamment en milieu rural où les jeunes filles, en particulier, sont souvent déscolarisées très tôt.

Normes sociales et barrières culturelles

Le poids des traditions continue de peser sur les femmes, considérées par certains comme inaptes à la prise de décision publique. « Quand une femme s’exprime en politique, elle est vite traitée d’arrogante ou de femme légère », témoigne une militante associative. Les jeunes, quant à eux, sont fréquemment relégués à des fonctions subalternes dans les partis ou associations, sans réelle capacité d’influence. La société tchadienne reste encore largement hiérarchisée par l’âge et le genre.

Pauvreté et survie avant citoyenneté

Dans un pays où plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les préoccupations quotidiennes priment souvent sur l’engagement citoyen. Trouver de quoi se nourrir, se loger ou financer ses études passe avant toute forme d’implication civique. « J’aimerais m’engager, mais je dois d’abord survivre », résume un jeune diplômé au chômage.

Répression et climat d’insécurité

Le contexte politique tchadien, marqué par des restrictions des libertés publiques, décourage aussi les volontés d’engagement. Manifestations interdites, arrestations arbitraires, surveillance en ligne : les risques sont bien réels. Les jeunes activistes sont souvent ciblés, tandis que les femmes subissent une double pression, politique et sociale. « Quand tu t’exprimes, tu risques non seulement la prison, mais aussi l’exclusion familiale », confie une activiste sous anonymat.

Des initiatives qui résistent

Malgré les obstacles, des dynamiques positives émergent. Des plateformes numériques permettent aux jeunes de débattre, s’informer et dénoncer les abus. Des femmes leaders investissent progressivement les espaces politiques, à l’image de certaines candidates aux élections locales.

L’engagement civique des jeunes et des femmes tchadiens est freiné par des facteurs multiples, structurels et culturels. Pourtant, les germes du changement sont là. Il appartient désormais aux institutions, à la société civile et aux partenaires internationaux de créer un environnement propice à leur pleine participation. Car sans la voix des femmes et des jeunes, la démocratie tchadienne restera incomplète.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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