Tchad | Début des pluies : entre espoir des semailles et dure réalité de la soudure

Alors que les premières pluies commencent à tomber sur le Tchad, elles annoncent non seulement le retour des travaux champêtres, mais aussi une période critique pour de nombreux villages ruraux : celle de la soudure. Entre les greniers presque vides et les semences jalousement conservées, les familles paysannes vivent des semaines d’angoisse, tiraillées entre la faim présente et l’espoir d’une récolte future.

Une transition difficile

La soudure, cette période située entre la fin des réserves de la récolte précédente et la récolte suivante, est une réalité bien connue des agriculteurs. Dans les villages du Guéra, du Mayo-Kebbi ou du Salamat, les sacs de mil, d’arachides ou de sésame se font rares. Ce qui reste est souvent insuffisant pour nourrir les familles jusqu’à la prochaine récolte, prévue dans plusieurs mois.

« On a presque tout mangé. Il ne reste que ce qu’on a mis de côté pour les semences », explique Mariam, mère de six enfants dans un village près de Mongo. « Si on touche à ça, on ne pourra pas cultiver, et c’est la faim assurée pour l’année entière. »

Des semences précieuses, conservées à tout prix

Dans ce contexte, les semences deviennent un bien plus précieux que l’or. Chaque famille veille sur ses réserves de graines comme sur un trésor. Même en période de faim, il est impensable d’y toucher. « Ce mil-là, même si mes enfants pleurent de faim, je ne le cuisinerai pas », tranche Issa, un cultivateur de la Tandjilé. « Sinon, que vais-je planter ? »

Une famine silencieuse

Si le mot famine est rarement prononcé, la réalité est bien là : repas réduits à un seul par jour, enfants sous-alimentés, recours à des plantes sauvages ou à l’aide humanitaire. Certaines familles vendent du bétail ou des biens pour acheter quelques kilos de vivres. D’autres doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver du travail journalier en ville.

Un cycle connu, mais peu anticipé

La soudure n’est pas une surprise : elle revient chaque année. Pourtant, les mécanismes d’anticipation restent limités. Les récoltes passées ont été affectées par les aléas climatiques, les conflits ou les mauvaises routes d’évacuation des produits agricoles. Les prix des céréales flambent en cette saison, rendant l’achat encore plus difficile.

Un appel à renforcer les stocks communautaires

Face à cette situation, certains experts appellent à la mise en place ou au renforcement de banques de céréales communautaires, permettant d’amortir les effets de la soudure. D’autres suggèrent une meilleure formation des agriculteurs sur la gestion des stocks et la diversification des cultures.

Le début des pluies est une période d’espérance pour les paysans tchadiens. Mais avant de récolter, il faut survivre. La soudure reste un moment critique où la solidarité, la résilience, mais aussi les politiques agricoles efficaces sont plus que jamais nécessaires.

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