Parue le 10 octobre 2025, la circulaire n°12 de l’Office National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE) relance un vieux texte de 1996 pour rappeler aux employeurs et organisations que toute offre ou demande d’emploi doit désormais recevoir un visa préalable de l’institution avant toute diffusion publique. Une mesure qui, selon l’ONAPE, vise à « garantir la transparence du marché de l’emploi et protéger les citoyens contre les annonces frauduleuses ».
Sur le fond, l’initiative s’inscrit dans une démarche de régulation nécessaire d’un marché de l’emploi tchadien souvent livré à des pratiques douteuses : fausses offres, recrutements opaques, ou encore annonces discriminatoires. L’idée d’un contrôle centralisé pourrait, en théorie, permettre de fiabiliser les annonces et d’assurer un meilleur suivi statistique de l’emploi.
Mais dans les faits, cette mesure suscite des interrogations légitimes. D’abord, la réactivation d’un décret vieux de près de trente ans interroge sur son adéquation avec les réalités numériques actuelles. En 1996, Internet et les plateformes de recrutement en ligne n’existaient pas au Tchad ; en 2025, elles constituent le principal canal de diffusion des offres. Exiger un visa préalable pour chaque publication risque d’alourdir les procédures et de ralentir la circulation de l’information, au détriment des jeunes chercheurs d’emploi déjà confrontés à un chômage endémique.
Ensuite, la mesure pourrait être perçue comme une ingérence administrative dans la liberté de communication des entreprises et des médias, surtout si le mécanisme d’autorisation n’est pas encadré par des délais clairs et transparents. Dans un contexte où la confiance dans les institutions reste fragile, l’ONAPE devra prouver que ce contrôle ne devient pas un outil bureaucratique ou un moyen de filtrer arbitrairement certaines annonces.
Enfin, la circulaire ne précise pas les modalités pratiques de mise en œuvre : faut-il un dépôt physique ou électronique ? Quel délai pour l’obtention du visa ? Quelles sanctions concrètes pour les contrevenants ? Autant de zones d’ombre qui pourraient freiner l’adhésion des acteurs du secteur privé et des ONG.
Si la volonté de moraliser le marché de l’emploi est louable, la démarche gagnerait à être modernisée et participative, intégrant les réalités du numérique et les contraintes des employeurs. Une concertation avec les médias, les agences de recrutement et les jeunes demandeurs d’emploi serait une étape nécessaire pour que la régulation ne se transforme pas en réglementation paralysante.