Tchad : Au 65e jour de la détention de Succès Masra, les Transformateurs dénoncent un « braquage judiciaire »

Ce samedi 19 juillet 2025, le « Balcon de l’Espoir », devenu lieu emblématique de rassemblement pour les militants du parti Les Transformateurs, a une fois encore résonné des cris de colère et de détermination. À N’Djamena comme dans plusieurs villes du pays, des foules nombreuses se sont mobilisées à l’appel du parti, à l’occasion du 65e jour de détention de leur leader, Dr Succès Masra.

Sous le slogan « Braquage judiciaire », les militants ont dénoncé la persistance de ce qu’ils qualifient de « procès de la honte », malgré l’accord de paix signé entre le gouvernement de transition et le mouvement Les Transformateurs à Mandakao.

Une scène de mobilisation persistante

Mêlant discours politiques et symboles de résistance, le « Balcon de l’Espoir » a repris sa fonction de plateforme de revendication populaire. La foule, rassemblée en nombre, a brandi pancartes, drapeaux et slogans en soutien à leur leader emprisonné. « Miroir de notre détermination face à l’injustice et à l’arbitraire », ont déclaré les organisateurs, le lieu est devenu pour eux « sanctuaire de nos espérances ».

« On ne tue pas une révolution en séquestrant le révolutionnaire. Nous sommes des milliers de Masra et nous sommes debout », a martelé Djeguelmbaye Ndigngar, conseiller à la stratégie du parti, lors de son intervention très applaudie.

À ses yeux, la détention prolongée de Dr Masra n’est rien d’autre qu’un moyen d’étouffer une voix politique qui dérange. Il dénonce l’envoi du dossier devant la cour criminelle alors même qu’aucune preuve solide n’a été présentée jusqu’ici.

L’accord de Mandakao ignoré ?

Un point majeur de tension souligné par les intervenants reste l’accord signé à Mandakao, qui visait une désescalade et un dialogue politique national. Les Transformateurs estiment que la poursuite du procès contre leur leader va à l’encontre de l’esprit de cet accord.

« Un accord a été signé, mais on continue à nous intimider. Ce procès n’a rien de judiciaire, il est politique », affirme un membre du comité national du parti, présent sur place.

Une mobilisation qui s’étend au-delà de N’Djamena

Le mouvement ne s’est pas limité à la capitale. Plusieurs villes de province ont également vu leurs militants se réunir ce même samedi. À Moundou, Abéché, Sarh ou encore Mongo, de petits rassemblements se sont tenus dans le calme, avec des prises de parole rappelant l’engagement du parti à poursuivre la lutte politique par des moyens non violents.

« C’est une démonstration nationale de résistance », commente un observateur politique. « Les Transformateurs veulent montrer que leur base est vivante, structurée, et qu’elle ne se dissoudra pas avec l’arrestation de son chef. »

Le peuple « debout » derrière Masra

Pour les militants, cette mobilisation régulière – chaque samedi – est plus qu’un rituel : c’est un acte de foi en leur cause et un rappel au pouvoir que la détermination populaire ne faiblit pas.

« C’est surtout un peuple qui lève les yeux dans l’intention de ne plus baisser la tête », ont-ils répété, en écho aux mots de leur leader. L’esprit du slogan « Vivre debout sans se résigner » était sur toutes les lèvres.

Malgré la présence discrète mais notable des forces de l’ordre autour du site, aucun incident majeur n’a été signalé lors de cette nouvelle édition du Balcon de l’Espoir.

Le pouvoir sous pression

La situation met les autorités de transition dans une posture délicate. D’un côté, l’État veut faire valoir la souveraineté de la justice. De l’autre, la pression populaire – locale et internationale – s’intensifie, surtout depuis la publication des engagements de Mandakao, qui sous-entendaient une certaine volonté d’apaisement.

Plusieurs observateurs internationaux, y compris des partenaires diplomatiques du Tchad, s’interrogent sur la cohérence du maintien en détention du principal opposant politique alors même que le pays s’engage officiellement sur une voie de réconciliation.

Le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi aux accusations de « braquage judiciaire » proférées ce week-end.

Et maintenant ?

Alors que les audiences criminelles se profilent et que le pays entre dans une période politiquement sensible à l’approche des prochaines étapes de la transition, la mobilisation des Transformateurs semble bien partie pour durer.

« Tant que notre leader ne sera pas libre, nous ne lâcherons rien », affirme une militante, poing levé. Et d’ajouter : « On nous avait dit que la révolution serait longue. Nous sommes prêts. »

Dans un pays encore marqué par des décennies de conflits et de blocages démocratiques, cette nouvelle forme de contestation pacifique interpelle autant qu’elle inquiète. L’avenir du « Balcon de l’Espoir » est incertain, mais pour ses fidèles, il restera le symbole d’une foi inébranlable dans le changement.

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