L’arrestation, le 26 novembre 2025, du policier Youssouf Ahmat Allatchi au sein même de la Direction générale de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANATS) soulève de nombreuses interrogations et alimente un climat déjà marqué par la peur et l’opacité sécuritaire à N’Djamena. L’information, révélée par Alwihda Infos et confirmée par des sources internes à l’institution ainsi que par les proches de l’intéressé, n’a fait l’objet d’aucune communication officielle.
Détaché à l’ANATS, une structure stratégique chargée de la production et de la sécurisation des documents officiels de l’État, Youssouf Ahmat Allatchi aurait été interpellé par des agents des services de renseignements dans des circonstances pour le moins troublantes. Selon sa famille, le policier aurait été contacté en fin de journée par sa hiérarchie sous le prétexte d’une promotion. Il a ensuite été arrêté vers 19 heures dans les locaux de l’Agence, avant d’être conduit vers une destination inconnue.
Âgé d’une quarantaine d’années, Youssouf Ahmat Allatchi est policier de carrière. Diplômé de l’École nationale de police en 2009, il totalisait 16 années de service au sein de l’administration tchadienne, avec le grade de Gardien de la paix (GPX). À ce jour, ni les motifs de son arrestation ni son lieu de détention n’ont été rendus publics.
Cette interpellation s’inscrit dans un contexte plus large de multiplication des arrestations de fonctionnaires de l’État. Début décembre, au moins 25 agents publics, dont Hassan Moussa Ali, directeur de cabinet du ministère des Transports, de l’Aviation civile et de la Météorologie, ont été arrêtés par l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE). Ils sont soupçonnés d’avoir transmis à la presse un projet de budget de l’exercice 2026. Là encore, aucune justification officielle n’a été communiquée.
Depuis plusieurs mois, la capitale tchadienne est marquée par une série de disparitions et d’enlèvements touchant des opposants politiques, des militants associatifs, des journalistes, des acteurs économiques, mais aussi des membres des forces de défense et de sécurité. Ces pratiques, souvent attribuées à l’ANSE et à la Direction générale des renseignements et des investigations (DGRI), contribuent à instaurer un climat de peur généralisée.
Parallèlement, les libertés publiques se trouvent de plus en plus restreintes. Les manifestations sont régulièrement interdites ou dispersées par la force, tandis que plusieurs associations ont récemment été dissoutes. À l’inverse, les mobilisations organisées par des formations politiques proches du pouvoir continuent de bénéficier d’un encadrement sécuritaire favorable.
Ces dérives ont déjà été dénoncées par des organisations internationales. Dans une déclaration publiée le 10 septembre 2024, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) alertait sur une « recrudescence des arrestations arbitraires et des détentions au secret » au Tchad, évoquant l’existence d’un système sécuritaire parallèle opérant en dehors de tout cadre légal.
Même les ressortissants étrangers n’échappent pas à ces pratiques. En septembre dernier, l’influenceur russe Maksim Shugaley et plusieurs autres citoyens russes et biélorusse ont été détenus pendant plusieurs mois, malgré des démarches diplomatiques, avant d’être finalement libérés.
Selon une source gouvernementale citée par Alwihda Infos, ces opérations seraient conduites par des « services spéciaux » directement rattachés à la Présidence, face auxquels le gouvernement civil disposerait de peu de marge de manœuvre. Une situation qui pose avec acuité la question de l’État de droit au Tchad et des garanties fondamentales accordées aux citoyens, y compris à ceux qui servent l’État.




