Société: À Moursal, un vendeur de journaux incarne la dignité face à l’abandon des jeunes

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Au cœur de N’Djamena, au rond-point Centenaire du quartier Moursal, dans le 6e arrondissement, un jeune homme incarne à lui seul la résistance silencieuse d’une jeunesse livrée à elle-même. Kaodassi Clément, vendeur de journaux, n’a ni vitrine, ni enseigne. Il a pour seuls outils un tas de quotidiens sous le bras, une voix chaude pour héler les passants, et surtout une volonté farouche de ne pas sombrer.

Il aurait pu céder au découragement. Il aurait pu errer sans but, comme tant d’autres jeunes du pays que l’inactivité broie à petit feu. Mais Kaodassi a choisi de se battre, à sa manière.« Faute d’opportunités d’emploi, je me suis tourné vers la vente de journaux, » confie-t-il d’une voix calme, assis à l’ombre d’un lampadaire grillé. « En réalité, il n’y a pas beaucoup d’options pour les jeunes comme moi. On se retrouve souvent à la maison, sans occupation ni revenus. »

Kaodassi n’est pas seulement vendeur de journaux. Il est aussi veilleur d’actualité, témoin du quotidien, observateur lucide d’un système qui oublie ses forces vives. Chaque matin, il se lève tôt pour récupérer les journaux fraîchement sortis des imprimeries. Il arpente les avenues poussiéreuses, bravant chaleur et regards indifférents. Avec ses journaux pliés sous le bras, il tend aux passants bien plus que de l’encre et du papier : il tend un cri d’alerte, une démonstration de résilience.

« C’est une manière pour moi de rester actif, de ne pas baisser les bras malgré la situation, » dit-il, le regard posé au loin, là où le soleil brûle les trottoirs.

Dans un pays où l’emploi formel reste un privilège, où les jeunes pourtant majoritaires dans la population peinent à trouver leur place, le parcours de Clément raconte l’abandon, mais aussi la dignité. Il met en lumière ces milliers de jeunes Tchadiens que ni les programmes de développement ni les discours politiques ne parviennent à atteindre.

Vendre des journaux, c’est aussi maintenir un lien avec l’information, c’est encourager les citoyens à rester connectés aux débats publics. Ironie du sort : Clément porte à bout de bras un secteur, celui de la presse écrite, en déclin face aux bouleversements numériques et au désintérêt général.

Ce jeune homme debout au bord de la route est un miroir tendu à la société : il renvoie l’image d’une jeunesse qui ne demande pas la charité, mais une chance. Une place. Une écoute.

À travers le bruit des klaxons, la poussière et les indifférences, Kaodassi Clément crie un message que trop peu entendent : la jeunesse tchadienne ne manque pas d’ambition, elle manque d’horizon.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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