RDC : Le retour de Joseph Kabila sur la scène politique, entre devoir de vérité et alerte nationale

Afrique| RDC: Prise de parole de Joseph Kabila, ancien chef de l'État congolais au lendemain de la levée de immunité par le sénat

Après six années de silence volontaire, l’ancien président congolais Joseph Kabila est sorti de sa réserve. Dans une déclaration sobre mais chargée de symboles, il s’est exprimé pour la première fois depuis son retrait du pouvoir en 2019, évoquant la gravité de la situation en République démocratique du Congo (RDC) et son devoir de prendre la parole.

« J’ai enfin décidé de briser ce long silence », a lancé l’ancien chef de l’État, évoquant une urgence « existentielle », non pas pour sa personne ni sa famille politique, mais pour la nation congolaise tout entière. Ce retour médiatique de Kabila, longtemps perçu comme reclus dans sa ferme de Kingakati, intervient dans un contexte de crise multidimensionnelle en RDC, sécuritaire, économique et institutionnelle.

Un silence calculé face aux provocations

Durant ces six années, Joseph Kabila dit s’être astreint à « un strict devoir de réserve », même face aux attaques personnelles. Il parle de « provocations », « imputations dommageables », et d’atteintes à sa « dignité » visant directement sa personne ou ses proches. « Le temps est le meilleur allié de la vérité », a-t-il affirmé, dénonçant une campagne de dénigrement menée, selon lui, par ceux-là mêmes qui ont échoué à répondre aux attentes du peuple.

Dans ses propos transparaît une critique à peine voilée du régime de son successeur, Félix Tshisekedi, sans jamais le nommer. Kabila l’accuse indirectement d’avoir utilisé les différends politiques pour masquer une incapacité de gouvernance désormais « avérée ».

Un pays au bord de l’effondrement

Mais c’est surtout l’état de la nation qui semble avoir motivé sa prise de parole. « Notre pays est gravement malade et son pronostic vital engagé », a-t-il alerté. Il affirme ne pas pouvoir se taire davantage, au risque d’être « poursuivable devant le tribunal de l’histoire pour non-assistance à plus de 100 millions de compatriotes en danger ».

Ce constat sévère intervient alors que le pays est confronté à une recrudescence des violences dans l’est, à une crise de gouvernance institutionnelle et à une grogne sociale croissante. Kabila tente ainsi de se positionner en patriote inquiet, soucieux de « participer à la recherche de la solution à la crise ».

Révélation sur l’accord de coalition de 2019

Dans sa déclaration, l’ancien président revient aussi sur l’accord politique conclu avec Tshisekedi à l’aube de ce dernier mandat. Ce compromis, qui avait donné naissance à la coalition FCC-CACH, a souvent été entouré de spéculations. Kabila affirme que cet accord, largement critiqué, a été conclu « dans l’intérêt supérieur de la nation ». Il déplore les « contre-vérités » qui ont circulé à son sujet, y compris selon lui, de la part du président actuel, pourtant « l’un des deux principaux signataires ».

Si Joseph Kabila promet de rétablir la vérité « au moment opportun », il semble déjà amorcer un retour stratégique dans l’arène politique nationale. Reste à savoir si cette prise de parole prélude à une réorganisation de sa famille politique ou à une ambition plus large.

Un retour surveillé de près

La déclaration de Kabila ne manquera pas d’agiter le paysage politique congolais, à l’heure où les débats sur les réformes institutionnelles et les prochaines échéances électorales s’intensifient. Sa posture de « père silencieux » devenu lanceur d’alerte national pourrait lui valoir un regain d’attention, voire de popularité, dans un contexte où la déception vis-à-vis de l’actuel pouvoir est palpable.

Mais ce retour soulève aussi des interrogations : s’agit-il d’un simple cri d’alerte ou d’un prélude à une reconquête politique ? Joseph Kabila, malgré les critiques de son passé, semble prêt à jouer un nouveau rôle dans l’histoire de la RDC. L’avenir dira s’il s’agit d’un dernier acte ou d’un nouveau chapitre.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
Articles: 1514

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *