Pêche au Tchad : un secteur aux mille promesses, freiné par les défis de l’industrialisation

Riche en ressources halieutiques grâce au lac Tchad et aux nombreux cours d’eau qui traversent son territoire, le Tchad dispose d’un potentiel considérable dans le domaine de la pêche. Pourtant, le secteur reste largement artisanal, peu structuré, et peine à franchir le cap de l’industrialisation. À l’heure où le pays s’engage dans une dynamique de transformation économique, la pêche industrielle apparaît à la fois comme une nécessité et un défi de taille.

Un potentiel sous-exploité

Selon les estimations de la FAO, la production annuelle de poissons au Tchad oscille entre 150 000 et 200 000 tonnes, dont près de 90 % proviennent de la pêche artisanale. Sur les rives du lac Tchad, à Bol, Liwa ou Baga Sola, des milliers de pêcheurs dépendent de cette activité pour leur subsistance. Toutefois, l’absence d’infrastructures modernes usines de transformation, chaînes de froid, ports aménagés empêche toute montée en gamme.

« Nous pêchons beaucoup, mais perdons énormément », déplore Mahamat Saleh, pêcheur à Kiskra. « Faute de moyens de conservation, une partie du poisson se gâte avant d’être écoulée. »

Des freins structurels persistantsL’un des principaux obstacles à l’industrialisation est le manque d’investissements publics et privés dans le secteur. Les routes d’accès aux zones de pêche sont souvent impraticables, les systèmes de transport inefficaces, et les financements quasi inexistants. À cela s’ajoute une législation encore inadaptée aux enjeux contemporains, incapable de garantir un cadre incitatif pour les industriels.

Par ailleurs, les effets du changement climatique, la baisse du niveau des eaux et l’insécurité persistante autour du lac compliquent davantage la structuration de la filière.

Des pistes pour un nouveau départ

Pourtant, les perspectives ne manquent pas. Plusieurs initiatives régionales, notamment celles soutenues par la CBLT (Commission du bassin du lac Tchad) et la Banque africaine de développement, proposent des plans de développement durable de la pêche incluant la modernisation des outils, la formation des acteurs et la mise en place d’un cadre de coopération sous-régional.

Le ministère tchadien de l’Élevage et des Productions animales affirme avoir élaboré une stratégie nationale de développement de la pêche et de l’aquaculture. Mais sur le terrain, les retombées concrètes tardent à se faire sentir.

Un secteur à repenser avec les acteurs locaux

Pour que l’industrialisation de la pêche devienne une réalité, il faudra davantage qu’un plan sur papier. Il est impératif d’associer les pêcheurs, les collectivités locales et les investisseurs privés autour d’un pacte productif. Cela implique aussi de valoriser les savoirs traditionnels tout en introduisant des innovations technologiques respectueuses de l’environnement.

Le Tchad pourrait faire de la pêche un véritable levier de diversification économique, pour peu que les moyens suivent la volonté. Le poisson est là, les bras aussi. Reste à créer les conditions pour que ce potentiel nourrisse durablement le pays.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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