Depuis le 28 mars, le Niger, en coordination avec le Mali et le Burkina Faso, applique une taxe de 0,5 % sur toutes les importations en provenance des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à l’exception de l’aide humanitaire. Cette mesure, saluée par de nombreux commerçants et économistes nigériens, s’inscrit dans un contexte de rupture progressive entre l’Alliance des États du Sahel (AES) et l’organisation régionale.
Une décision économique et politique
La mise en place de cette taxe a été justifiée par les autorités des trois pays de l’AES comme une réponse aux sanctions imposées par la CEDEAO après les coups d’État militaires ayant porté des juntes au pouvoir à Niamey, Bamako et Ouagadougou. Ces sanctions, qui incluaient des restrictions commerciales et financières, ont été perçues comme une tentative d’isolement des nouveaux régimes militaires. En réaction, les États de l’AES ont annoncé leur retrait de la CEDEAO en janvier 2024, officialisant ainsi une rupture avec l’organisation.
Pour de nombreux commerçants nigériens, cette taxe représente une réponse logique aux restrictions imposées par la CEDEAO. « Nous avons rompu avec la CEDEAO, donc il est normal de réajuster nos politiques commerciales en conséquence », explique Issoufou Maïga, un importateur basé à Niamey. Selon lui, cette mesure pourrait également encourager le développement du commerce intra-AES et réduire la dépendance aux produits en provenance des pays de la CEDEAO.
Des répercussions économiques à surveiller
Si la taxe de 0,5 % reste modeste, elle pourrait avoir des conséquences sur le commerce régional. Certains analystes estiment que cette mesure pourrait affecter le coût des importations en provenance de la CEDEAO et, par extension, le pouvoir d’achat des consommateurs nigériens. « Toute augmentation des coûts d’importation est généralement répercutée sur les prix de détail », souligne l’économiste Souleymane Diallo. Il rappelle cependant que cette taxe pourrait inciter les entreprises locales à diversifier leurs sources d’approvisionnement et à renforcer la production nationale.
En outre, cette décision soulève des questions sur l’avenir des relations commerciales entre la CEDEAO et l’AES. Alors que la CEDEAO promeut la libre circulation des biens et des services entre ses États membres, l’instauration d’une taxe sur les importations pourrait compliquer les échanges et renforcer la fragmentation économique de la région.
Vers un nouveau paradigme commercial ?
Avec l’application de cette taxe, le Niger, le Mali et le Burkina Faso semblent confirmer leur volonté de redéfinir leurs relations économiques avec leurs voisins ouest-africains. Les trois pays de l’AES ont déjà amorcé des discussions pour renforcer leur coopération commerciale et financière, notamment à travers la création d’une monnaie commune et le développement d’accords bilatéraux avec d’autres partenaires.
Reste à savoir si cette taxe constituera une mesure temporaire ou s’inscrira dans une stratégie de long terme. En attendant, les commerçants nigériens s’adaptent à cette nouvelle réalité économique, tandis que la CEDEAO observe avec attention l’évolution de la situation.