Le gouvernement de transition malien a franchi un nouveau cap dans la gestion de l’espace public et politique. Dans un communiqué publié au Journal Officiel, les autorités ont ordonné la suspension immédiate et jusqu’à nouvel ordre de toutes les activités politiques sur l’ensemble du territoire national. Réunions, manifestations, prises de parole ou publications à caractère politique sont désormais formellement interdites.
Cette décision, qualifiée de « mesure conservatoire » pour la préservation de la cohésion nationale, intervient dans un contexte de fragilité sécuritaire persistante et de tensions institutionnelles latentes. Le gouvernement invoque « l’intérêt supérieur de la Nation » pour justifier ce gel sans précédent depuis la mise en place de la transition militaire en août 2020.
Un précédent qui interroge
Ce n’est pas la première fois que les autorités de transition imposent une telle restriction. En avril 2024, une suspension temporaire des activités politiques avait déjà été décrétée, officiellement pour lutter contre les « dérives de nature à compromettre la stabilité de l’État ». Mais cette fois, l’absence de calendrier ou de durée précise laisse entrevoir une volonté de museler durablement la scène politique.
Des observateurs nationaux et internationaux s’interrogent sur les réelles motivations de ce tour de vis autoritaire, alors que la transition semble s’enliser. Initialement prévu pour 2022, le retour à l’ordre constitutionnel a été plusieurs fois repoussé. Ce nouveau coup de frein soulève des doutes sur la sincérité des engagements des autorités à organiser des élections libres et transparentes.
Vers une transition indéfinie ?
L’interdiction actuelle intervient dans un moment de faible visibilité sur l’agenda politique. La classe politique malienne, déjà affaiblie par les années de marginalisation, se trouve à nouveau mise sur la touche. De nombreux partis politiques, figures de la société civile et défenseurs des droits humains dénoncent une atteinte grave aux libertés fondamentales.
Selon plusieurs sources, les forces de sécurité ont été instruites de faire appliquer strictement la mesure, notamment par le démantèlement de tout rassemblement jugé politique, même informel. La surveillance des réseaux sociaux serait également renforcée, dans une optique de « vigilance accrue ».
Une équation démocratique de plus en plus incertaine
Pour nombre d’analystes, cette suspension à durée indéterminée des activités politiques marque un tournant inquiétant pour le Mali. La transition, censée être un pont vers la démocratie, semble dériver vers un verrouillage institutionnel. À moins d’un sursaut, la perspective d’un dialogue inclusif et d’un retour à la normalité démocratique s’éloigne.