Liberté de la presse en déclin : un signal d’alarme mondial, selon RSF

« Jamais la liberté de la presse n’a été aussi menacée que cette année. » Le constat dressé par Reporters sans frontières (RSF) dans son classement annuel est sans appel. Pour la première fois, l’ONG qualifie la situation mondiale de la liberté de la presse de « difficile », pointant un recul historique qui touche désormais la moitié des pays évalués.

Un paysage médiatique mondial en crise

Dans son rapport publié ce vendredi, RSF alerte sur une tendance inquiétante : les conditions d’exercice du journalisme sont aujourd’hui jugées mauvaises dans 50 % des pays du monde, et très graves dans 42 d’entre eux. Pire encore, moins d’un quart des États offrent des conditions jugées satisfaisantes pour la liberté de la presse.Derrière cette dégradation généralisée, RSF met en cause un facteur central : l’asphyxie économique des médias. Dans près de 90 % des pays (160 sur 180), les entreprises de presse peinent à atteindre une viabilité financière durable. Le phénomène est tel que dans un tiers des États, certains médias sont contraints de cesser leur activité, laissant place à ce que l’ONG qualifie de déserts informationnels.

Les États-Unis en recul, la Suisse sous pression

Symbole marquant de cette dégradation : les États-Unis dégringolent à la 57e place, affectés par l’effondrement de nombreuses rédactions locales. Une détérioration que RSF attribue aux difficultés économiques mais aussi à une polarisation croissante de l’information.

La Suisse, de son côté, conserve sa 9e position. Mais derrière cette apparente stabilité, le climat reste préoccupant. « La situation est tendue dans de nombreuses rédactions suisses », déclare Denis Masmejan, secrétaire général de RSF Suisse. L’ONG pointe notamment la vulnérabilité des médias face aux pressions politiques et économiques. Les aides publiques, si elles sont nécessaires, doivent impérativement s’accompagner de garanties contre toute ingérence éditoriale, insiste RSF.

Des lacunes législatives persistantes

En Suisse toujours, l’organisation s’inquiète des entraves juridiques à la liberté d’informer. La loi sur les banques, qui punit la publication d’informations couvertes par le secret bancaire, est une entrave directe au journalisme d’investigation. Par ailleurs, le manque de régulation des grandes plateformes numériques crée un déséquilibre supplémentaire pour les médias traditionnels.

Isabelle Cornaz, représentante de RSF Suisse, résume la situation : « La presse, y compris dans notre pays, est étranglée par des modèles économiques fragiles et une absence de soutien structurel pérenne. »

Une liberté réservée à une poignée de pays

Seuls sept pays dans le monde peuvent encore se targuer d’une situation jugée bonne : la Norvège – leader du classement pour la neuvième année consécutive – suivie de l’Estonie, des Pays-Bas, de la Suède, de la Finlande, du Danemark et de l’Irlande. À l’inverse, l’Érythrée, la Corée du Nord, la Chine et la Syrie ferment la marche.

Le fossé se creuse entre l’Europe occidentale et le reste du monde, soulignant une fracture géopolitique qui menace la circulation de l’information libre, indépendante et pluraliste.

Vers une mobilisation internationale ?

Face à cette urgence démocratique, RSF appelle à une mobilisation des États, des citoyens et des entreprises technologiques. « Sans presse libre, pas de démocratie réelle », rappelle l’ONG. Dans un contexte où la désinformation prospère, affaiblir les médias revient à ouvrir la voie aux manipulations et à l’autoritarisme.

À l’heure des incertitudes économiques et géopolitiques, protéger le journalisme devient un impératif de société. La liberté de la presse ne peut être le luxe de quelques pays riches. Elle est, et doit rester, un droit universel.

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