Les sites rupestres de l’Ennedi : entre beauté et oubli

Dans l’immensité dorée du massif de l’Ennedi, aux confins du désert du Sahara, d’étranges fresques racontent une autre époque. Gravées ou peintes sur des parois rocheuses, elles témoignent d’une Afrique ancienne, verdoyante, où hommes et bêtes partageaient une vie autrefois foisonnante. Pourtant, malgré leur valeur inestimable, ces chefs-d’œuvre restent aujourd’hui menacés par l’oubli, l’érosion et l’indifférence.

Un trésor archéologique unique en Afrique

Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2016, le massif de l’Ennedi recèle des milliers de peintures et gravures rupestres. Datant de 4000 à 6000 ans, ces œuvres racontent les transformations majeures du Sahara : d’une savane humide à l’aridité que nous connaissons aujourd’hui.

Les scènes, d’une finesse surprenante, illustrent la vie quotidienne : chasse, rituels, élevage. « Ce sont des témoignages d’une époque où l’homme vivait en symbiose avec son environnement », explique Mahamat Djibrine, archéologue tchadien, rencontré lors d’une mission de prospection.

Beauté intacte… mais pour combien de temps ?

Si la beauté des sites de l’Ennedi est saisissante, leur conservation est précaire. L’érosion naturelle, accélérée par les variations extrêmes de température, fragilise les peintures. Pire, des actes de vandalisme commencent à apparaître.

« Certains visiteurs, mal informés ou irresponsables, grattent les parois pour ramener des « souvenirs » », déplore Hindou Oumarou Ibrahim, militante environnementale. « Sans mesures urgentes de protection, nous risquons de perdre ce patrimoine irréparable. »

À cela s’ajoute l’isolement de la région, rendant difficile toute action coordonnée de surveillance ou de restauration.

Manque d’infrastructures et de sensibilisation

Sur place, l’absence d’installations pour accueillir et éduquer les visiteurs est flagrante. Aucun centre d’interprétation, peu de panneaux explicatifs : seuls quelques guides locaux tentent, tant bien que mal, de transmettre la valeur de ces œuvres millénaires.

« Beaucoup de nos compatriotes ignorent même l’existence de ces peintures », regrette Abakar Hassan, guide à Fada, chef-lieu de l’Ennedi Est. Pour lui, la solution passe par l’éducation culturelle et le tourisme responsable, qui pourraient aussi contribuer au développement économique de la région.

Vers une renaissance ?

Face à ces défis, quelques initiatives commencent timidement à émerger. L’Institut National du Patrimoine du Tchad, en collaboration avec des ONG internationales, prépare un projet de numérisation des principales fresques. Objectif : sauvegarder numériquement ces œuvres et sensibiliser les jeunes générations.

« C’est une course contre le temps », insiste Mahamat Djibrine. « Protéger les sites de l’Ennedi, c’est protéger une part de l’histoire commune de l’humanité. »

Mais sans volonté politique forte et sans implication massive des populations locales, le joyau du Sahara risque de sombrer dans le silence, emportant avec lui les souvenirs d’une Afrique verte et vivante que beaucoup n’auront jamais connue.

À savoir : Le massif de l’Ennedi est accessible par avion depuis N’Djamena jusqu’à Faya-Largeau, puis par piste.

La meilleure période pour visiter : novembre à février (saison fraîche).

Respect des sites : ne pas toucher ni altérer les peintures.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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