Fête du Travail au Tchad : Briser le silence, le combat quotidien des journalistes

Dans un contexte où l’espace civique reste étroit et la liberté de la presse fragile, la célébration de la Fête du Travail ce 1er mai au Tchad offre une occasion unique de s’interroger sur la place réelle des journalistes dans le monde du travail. À l’heure où ils sont censés informer, éduquer et alerter, les journalistes tchadiens eux-mêmes se retrouvent à lutter pour le droit d’exercer leur métier dans la dignité, la sécurité et la liberté.

Le paradoxe de l’engagement Invisible

Le travail du journaliste est, par définition, un engagement au service de l’intérêt public. Il consiste à recueillir, vérifier et diffuser une information fiable, utile à la vie démocratique. Pourtant, au Tchad, cet engagement est trop souvent réduit au silence par des obstacles multiples : intimidations, censure, précarité économique, absence de formation continue, et pressions politiques. Beaucoup exercent sans contrat formel, sans couverture sociale, et avec des salaires dérisoires, voire inexistants.

Alors que le 1er mai célèbre les droits des travailleurs, les journalistes tchadiens sont confrontés à une réalité contradictoire : ils travaillent, souvent plus de huit heures par jour, mais sans bénéficier des protections fondamentales prévues par le Code du travail. Leur activité reste invisibilisée dans les discours officiels, voire marginalisée dans les revendications syndicales générales.

Informer, un métier sous tension

Dans l’imaginaire collectif, le journaliste est perçu comme une figure de savoir et de pouvoir. Mais dans la réalité tchadienne, il est bien souvent un travailleur vulnérable, exposé aux représailles dès qu’il touche à des sujets sensibles. Nombreux sont ceux qui doivent faire face à des convocations abusives, à la saisie de leur matériel, ou encore à des campagnes de diffamation orchestrées pour décrédibiliser leur travail.

Cette précarité n’est pas seulement matérielle. Elle est aussi morale. La pression constante pousse à l’autocensure, à la fatigue mentale, voire à la démotivation. Dans ces conditions, briser le silence devient un acte de résistance autant qu’un devoir professionnel.

Une fête qui questionne plus qu’elle ne rassure

Pour les journalistes tchadiens, la Fête du Travail n’est pas tant une célébration qu’un miroir tendu à leur propre condition. Que vaut un métier sans cadre légal solide ? Que signifie la liberté de la presse quand l’exercice du journalisme peut coûter la liberté, voire la vie ? Le 1er mai est l’occasion de poser ces questions frontalement, non seulement aux autorités, mais aussi à la société civile et aux partenaires internationaux.

En refusant le silence, les journalistes tchadiens affirment que leur travail est une composante essentielle de la Nation. Qu’il mérite, au même titre que tout autre, un statut clair, des droits garantis et une reconnaissance officielle.

L’urgence d’un engagement collectif

L’État a un rôle majeur à jouer dans la refondation du paysage médiatique tchadien : à travers des réformes structurelles, une protection légale renforcée des journalistes, une régulation équitable, et le respect scrupuleux de la liberté de la presse. Mais la responsabilité est aussi collective. Les patrons de presse doivent garantir des conditions de travail dignes. Les syndicats de journalistes doivent dépasser les divisions internes pour parler d’une seule voix. Et les journalistes eux-mêmes doivent continuer à se professionnaliser, à se former, et à faire preuve d’éthique.

Car briser le silence ne suffit pas. Il faut aussi construire un espace où la parole journalistique peut vivre, se transmettre, et jouer pleinement son rôle dans le progrès démocratique.

Le journalisme, un travail citoyen

En ce 1er mai 2025, les journalistes tchadiens nous rappellent une vérité fondamentale : informer est un acte de travail, mais aussi un acte citoyen. Défendre leurs droits, c’est défendre la liberté de chacun de savoir, de comprendre, et d’agir. C’est défendre, en somme, une vision du Tchad fondée sur la vérité, la justice et le respect de la parole libre.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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