Dans les foyers aisés comme dans les modestes maisons de quartier, elles s’affairent dès l’aube. Vaisselle, lessive, cuisine, garde d’enfants : les femmes ménagères assurent le bon fonctionnement des ménages tchadiens, souvent au prix de leur propre dignité. Invisibles aux yeux de la société, elles sont pourtant des milliers à subir quotidiennement des violations flagrantes de leurs droits fondamentaux.
Un travail sans cadre légal
Au Tchad, le travail domestique demeure en grande partie informel. « La plupart des ménagères ne bénéficient d’aucun contrat de travail, ni couverture sociale, ni même d’un salaire fixe », déplore Amina Mahamat, juriste spécialisée en droits des femmes. Selon une étude de l’ONG Action pour l’Équité (2024), plus de 70 % des aides ménagères à N’Djamena gagnent moins de 20 000 francs CFA par mois bien en dessous du seuil de pauvreté.
Exploitation et abus : un quotidien normalisé
Au-delà des salaires dérisoires, de nombreuses femmes témoignent d’abus physiques, psychologiques et même sexuels. Mariam, 19 ans, a fui son village pour travailler à N’Djamena. « J’ai été battue pour avoir cassé une assiette. J’ai dormi des semaines sur le sol, sans matelas », raconte-t-elle, les yeux baissés.
Le silence est souvent imposé par la peur. Peur de perdre leur seul revenu. Peur d’être rejetées par leur famille ou de subir des représailles. L’absence de recours juridique et le manque de protection syndicale aggravent cette vulnérabilité.
L’indifférence des autorités et le poids de la tradition
Le Code du travail tchadien, pourtant, reconnaît le droit à la dignité et à des conditions de travail décentes. Mais en pratique, aucune loi spécifique ne régit le travail domestique. « Il y a une tolérance culturelle envers l’exploitation des ménagères, car leur travail est considéré comme une extension des tâches féminines traditionnelles », analyse Dr Moussa Ousmane, sociologue à l’Université de N’Djamena.
Des voix qui s’élèvent malgré tout
Face à l’indifférence, certaines associations féminines commencent à briser le silence. L’Union des Travailleuses Domestiques du Tchad (UTDT), encore embryonnaire, milite pour la mise en place d’un statut légal pour les aides ménagères. « Nous voulons un contrat de travail type, un salaire minimum garanti et des inspections régulières dans les foyers employeurs », plaide sa présidente, Delphine Ngaradoum.
Un long chemin vers la justice sociale
Le combat pour les droits des femmes ménagères est loin d’être gagné, mais il a commencé. Il interpelle non seulement l’État, mais aussi chaque employeur et chaque citoyen. Tant que ces travailleuses resteront invisibles et sans voix, le Tchad ne pourra prétendre à une justice sociale équitable.