Dans un contexte de chômage massif des jeunes, le Tchad mise de plus en plus sur la formation professionnelle pour répondre aux besoins du marché du travail. Mais si les ambitions sont claires sur le papier, leur concrétisation sur le terrain reste semée d’embûches.
Dans la cour sablonneuse d’un centre de formation professionnelle de N’Djamena, une vingtaine de jeunes s’activent autour de planches de bois, visseuses à la main. Ils sont apprentis menuisiers, électriciens, mécaniciens. Des profils que le gouvernement souhaite désormais multiplier. Car face à l’augmentation du chômage des diplômés de l’université, l’État tchadien veut repositionner l’enseignement technique et professionnel comme une voie d’excellence.
Une priorité nationale
Depuis 2017, plusieurs réformes ont été engagées pour renforcer l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP). Le ministère de la Formation professionnelle, avec l’appui de partenaires internationaux comme la Banque mondiale, l’Union européenne ou l’AFD, a entrepris la création ou la réhabilitation de centres dans les grandes villes du pays.
« Nous voulons faire de la formation professionnelle un pilier de l’emploi au Tchad », déclare un cadre du ministère. « Il s’agit de doter les jeunes de compétences pratiques qui répondent aux réalités du marché. »
Des initiatives comme le Programme d’appui à l’employabilité des jeunes (PAEJ) ou encore la réforme des curricula tentent d’adapter les filières aux besoins des secteurs porteurs : bâtiment, énergie, agriculture, services.
Des promesses freinées par la réalité
Mais sur le terrain, l’élan est souvent freiné par des obstacles concrets. Dans plusieurs établissements, les salles de classe sont bondées, le matériel manque cruellement, et les enseignants formés se font rares.
« On passe la majorité du temps à faire de la théorie. On n’a même pas de machines pour pratiquer », déplore Abdoulaye, 22 ans, en filière électricité.
Certaines formations sont même suspendues par manque d’équipements ou de personnel qualifié. D’autres souffrent d’un décalage entre le programme officiel et les attentes des employeurs.
Un système encore marginalisé
Au-delà des défis logistiques, la formation professionnelle souffre encore d’un déficit d’image. Beaucoup de jeunes continuent de voir le parcours universitaire comme la seule voie honorable. Une perception renforcée par les familles, qui considèrent souvent la filière professionnelle comme une solution de « secours » pour les élèves en échec.
« C’est un problème culturel », reconnaît un directeur de centre. « Tant qu’on ne valorisera pas ces métiers, on continuera à former des chômeurs avec des diplômes universitaires non adaptés. »
Des perspectives à condition d’un réel engagement
Pour que la formation professionnelle devienne un réel levier de développement, les experts plaident pour une réforme en profondeur : amélioration des infrastructures, recrutement de formateurs, partenariat avec le secteur privé, et surtout valorisation sociale de ces filières.
Car dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 25 ans, la bataille pour l’emploi se jouera aussi dans les ateliers, les champs et les chantiers.