ÉDITORIAL: Quand le gouvernement s’enlise dans sa propre communication

« Succès Masra se porte bien », a déclaré le ministre de la Communication, Gassim Cherif Mahamat, avant d’ajouter que « toutes les dispositions nécessaires sont prises pour veiller à son état de santé ». Une phrase qui, à elle seule, résume l’embarras d’un pouvoir qui tente de rassurer sans convaincre.

« Succès Masra se porte bien », a déclaré le ministre de la Communication, Gassim Cherif Mahamat, avant d’ajouter que « toutes les dispositions nécessaires sont prises pour veiller à son état de santé ». Une phrase qui, à elle seule, résume l’embarras d’un pouvoir qui tente de rassurer sans convaincre.

Comment peut-on, dans le même souffle, affirmer qu’un homme se porte bien tout en précisant qu’il fait l’objet de « dispositions nécessaires » pour sa santé ? Cette contradiction, plus qu’une simple maladresse verbale, traduit une communication politique fébrile et brouillonne, où la précipitation prend le pas sur la cohérence.

Une parole gouvernementale qui sème le doute

La sortie du porte-parole du gouvernement n’a pas calmé les inquiétudes. Elle les a amplifiées. Car lorsqu’un État se sent obligé de justifier, dans l’urgence, la bonne santé d’un détenu, c’est souvent que le doute s’est déjà installé. Et dans le cas de Succès Masra, le doute n’est pas anodin.

Le président du parti Les Transformateurs, condamné par la justice, est aujourd’hui entre les mains de l’administration pénitentiaire. À ce titre, la question de son état de santé devrait relever de la justice, non du gouvernement.

Pourquoi alors cette intervention politique ? Pourquoi cette volonté soudaine de rassurer à tout prix ? À travers ce geste, le pouvoir donne l’impression de vouloir contrôler la narration d’un dossier déjà sensible, quitte à empiéter sur le terrain judiciaire.

Le précédent des morts en détention

Le malaise est d’autant plus profond que le pays garde en mémoire la mort de plusieurs co-détenus du même dossier, morts dans des conditions encore floues. Dès lors, toute communication approximative autour de la santé d’un prisonnier politique devient un sujet explosif.

Ce n’est pas seulement la santé d’un homme qu’on évoque ici : c’est la crédibilité d’un État, sa capacité à respecter la dignité humaine et à rendre des comptes sans se réfugier derrière des phrases convenues.

Quand le silence aurait été plus sage

Le ministre Gassim Cherif Mahamat aurait gagné à s’en tenir aux faits. À défaut d’un rapport médical officiel, sa déclaration aurait dû s’appuyer sur des sources sanitaires ou judiciaires compétentes. En se substituant à elles, le gouvernement s’expose à un soupçon d’instrumentalisation politique, ce qui ne peut que nourrir la méfiance populaire.

Dans les affaires où la vie humaine est en jeu, la transparence est la seule réponse possible. Le reste n’est que diversion.

Une leçon de communication à méditer

Cet épisode révèle une chose : la parole publique, au Tchad, souffre d’un déficit de rigueur et de confiance. À trop vouloir tout commenter, le gouvernement finit par se contredire et perdre la maîtrise de son propre récit.Informer, ce n’est pas improviser. Et rassurer, ce n’est pas nier l’inquiétude du peuple. Dans un pays encore marqué par la douleur de disparitions en détention, la prudence aurait dû primer sur la parole politique.

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