Alors que le Tchad avait franchi un pas décisif dans la défense des droits humains en abolissant la peine de mort pour les crimes de droit commun, l’annonce de la création d’un comité chargé de réfléchir à sa réintroduction jette une ombre inquiétante sur l’avenir des libertés fondamentales. Ce simple projet, même au stade consultatif, représente un signal alarmant : notre pays risque de revenir en arrière sur l’un des acquis les plus précieux de sa législation contemporaine.
Une menace contre les droits humains
La mise en place d’un tel comité n’est pas anodine. Elle révèle une tentation de légitimer à nouveau la peine capitale comme outil judiciaire, alors même que l’histoire et l’expérience mondiale ont démontré son inefficacité et son caractère profondément inhumain. Envisager la réintroduction de la peine de mort, c’est fragiliser les engagements internationaux du Tchad, notamment au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. C’est surtout envoyer un message funeste aux citoyens : celui d’un État prêt à redevenir bourreau.
La fausse promesse de la dissuasion
Les arguments avancés en faveur de la peine de mort sont connus : dissuader les crimes les plus graves, répondre à la demande de sécurité, apaiser les victimes. Mais ces arguments ne résistent pas à l’épreuve des faits. Les recherches menées à l’échelle internationale sont claires : la peine capitale n’a jamais prouvé son efficacité comme outil de dissuasion. Les pays qui l’ont abolie ne connaissent pas plus de criminalité que ceux qui l’appliquent.
La véritable solution réside dans une justice fiable, transparente et équitable, capable de sanctionner efficacement les criminels et de prévenir la récidive. Le retour à la peine de mort serait un aveu de faiblesse, une manière d’éviter le vrai débat sur la réforme de notre système judiciaire.
Un risque d’instrumentalisation
Dans un pays où la justice peine encore à se prémunir contre les influences politiques et sociales, donner à l’État le pouvoir d’ôter la vie n’est pas seulement dangereux : c’est une bombe à retardement. La peine capitale, une fois réintroduite, pourrait devenir un outil de règlements de comptes ou un instrument d’intimidation. Dans une telle configuration, l’erreur judiciaire ne serait pas une hypothèse, mais une fatalité tragique et irréversible.
Défendre la sacralité de la vie
La vie humaine n’est pas négociable. Elle est un droit absolu, que nulle autorité ne devrait pouvoir retirer. Restaurer la peine de mort, même partiellement, reviendrait à banaliser la violence institutionnelle et à sacrifier la dignité humaine sur l’autel d’une sécurité illusoire.
Refuser la peine de mort, ce n’est pas excuser les crimes, ni ignorer la douleur des victimes. C’est affirmer que la justice doit viser la réparation, la réinsertion et la prévention, et non la vengeance. La sacralité de la vie doit rester au cœur de nos choix politiques et juridiques.
Un devoir de vigilance citoyenne
La création de ce comité doit servir d’électrochoc. Il revient à la société civile, aux défenseurs des droits humains, aux leaders religieux et traditionnels, mais aussi à chaque citoyen conscient de son rôle, de se lever pour dire non à ce recul. Le Tchad doit rester du côté de l’histoire, du progrès et de la dignité, et non basculer dans la logique des exécutions d’État.
Le choix de l’avenir
Au moment où notre pays aspire à plus de stabilité et de crédibilité sur la scène internationale, renouer avec la peine capitale serait un pas funeste à contre-courant des valeurs universelles. La véritable force d’une nation ne se mesure pas à sa capacité à tuer, mais à sa capacité à protéger et à transformer.
La simple idée de réintroduire la peine de mort doit alerter nos consciences. Car si la vie humaine devient à nouveau une variable d’ajustement dans notre législation, c’est toute notre société qui en sortira affaiblie.
Le Tchad est à la croisée des chemins : choisir la voie de la peur et de la régression, ou affirmer, une fois pour toutes, que la vie humaine est sacrée et inviolable. L’histoire jugera. Mais notre silence, aujourd’hui, pèsera tout autant que les décisions de ce comité.