Alors que le conflit sanglant au Soudan entre dans sa troisième année, les conséquences humanitaires dépassent les frontières du pays et pèsent lourdement sur ses voisins. Le Tchad, frontalier à l’est, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une urgence humanitaire majeure. Dans une lettre ouverte poignante adressée à la communauté internationale, François Batalingaya, coordinateur humanitaire au Tchad, tire la sonnette d’alarme : des millions de vies sont en jeu.
Depuis avril 2023, l’escalade de la crise soudanaise a considérablement aggravé une situation déjà critique. Plus de 769 000 réfugiés soudanais ont franchi la frontière pour se réfugier dans l’est du Tchad, rejoignant près de 400 000 réfugiés précédemment installés après les vagues de violence au Darfour. À ce chiffre s’ajoutent 216 000 Tchadiens de retour forcé du Soudan. Rien que cette année, les projections humanitaires estiment que 250 000 réfugiés soudanais supplémentaires et 40 000 retournés tchadiens pourraient encore chercher refuge au Tchad d’ici fin 2025.
Un pays d’accueil aux ressources limitées
Déjà éprouvé par des défis environnementaux, économiques et sociaux, le Tchad peine à absorber ce nouvel afflux de populations. Les provinces de l’est, notamment Ouaddaï, Wadi Fira et Sila, sont particulièrement touchées. En janvier 2023, 1,1 million de personnes y étaient déjà en situation d’urgence alimentaire. En janvier 2025, ce chiffre a grimpé à 2,4 millions. Et l’arrivée massive de réfugiés accentue cette pression.
Les conditions de vie sont extrêmement précaires : manque d’eau potable, d’abris, de nourriture, soins médicaux insuffisants… Beaucoup des personnes arrivant du Soudan ont fui des violences atroces, ne portant souvent que les vêtements qu’ils avaient sur le dos.
Une réponse humanitaire qui peine à suivre
Face à l’urgence, la communauté humanitaire a mobilisé une réponse qui a permis de soutenir 2 millions de personnes à travers le Tchad en 2023. Pour 2025, les besoins sont estimés à 577 000 abris d’urgence, une assistance alimentaire pour 726 000 personnes et un soutien sanitaire pour 580 000 autres. Mais les ressources disponibles restent insuffisantes.
François Batalingaya appelle la communauté internationale à intensifier ses efforts : « Nous avons besoin de votre soutien pour que cette crise ne soit pas oubliée. »
Un appel à la solidarité mondiale
Le Tchad, malgré ses limites, fait preuve d’une résilience remarquable, gardant ses frontières ouvertes et accueillant les réfugiés avec humanité. Mais cette hospitalité a un coût, et le pays ne peut faire face seul à une crise de cette ampleur. La lettre de Batalingaya est un cri d’alerte : sans un engagement plus fort des bailleurs et des partenaires internationaux, des millions de vies continueront de basculer dans l’oubli et la souffrance.