Le Fonds monétaire international (FMI) a validé ce 4 juin 2025 les troisième et quatrième revues du programme d’aide conclu avec la République centrafricaine (RCA) au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC), débloquant ainsi un nouveau décaissement de 58 millions de dollars. Ce soutien financier vise à aider le pays à faire face à ses déséquilibres macroéconomiques persistants et à maintenir les dépenses sociales essentielles, dans un contexte marqué par la fragilité politique, la volatilité économique et la réduction progressive de l’aide humanitaire.
Des avancées notables dans un environnement difficile
L’économie centrafricaine, dont la croissance s’est limitée à 1,9 % en 2024, devrait afficher une reprise modeste à 3 % en 2025, selon les prévisions du FMI. Cette embellie reste toutefois conditionnée à une amélioration de la sécurité, à la relance de l’activité minière, à l’exécution de projets d’infrastructures et à la réforme du marché des carburants.
Dans un pays confronté à une dette publique élevée et à de sérieuses contraintes budgétaires, le FMI salue des « progrès » dans plusieurs domaines : la digitalisation de l’administration fiscale, la réforme de la gestion des finances publiques, le renforcement de l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) et de la Cour des comptes. Des réformes qui, selon l’institution, sont indispensables pour asseoir une gouvernance plus efficace et restaurer la confiance des partenaires techniques et financiers.
Un programme aux résultats « mitigés »
Malgré ces avancées, le FMI reste prudent. Dans un communiqué sans ambiguïté, l’institution de Bretton Woods évoque des résultats « mitigés » et pointe plusieurs insuffisances majeures dans la mise en œuvre du programme. À fin 2024, la moitié des six critères de performance ont été atteints. Mais des écarts préoccupants sont relevés, notamment sur le déficit budgétaire primaire et l’accumulation de nouveaux arriérés extérieurs. Les objectifs relatifs aux dépenses sociales ont également été manqués.
Le FMI a dû approuver une série de dérogations sollicitées par les autorités centrafricaines pour justifier ces manquements, illustrant la complexité de l’exercice budgétaire dans un contexte pré-électoral tendu.
Carburant : une réforme stratégique et sensible
La réforme du marché des carburants reste au cœur des recommandations du FMI. Malgré une baisse récente des prix à la pompe, ceux-ci demeurent élevés en raison des coûts d’importation jugés « opaques et inefficients ». L’institution plaide pour un audit approfondi de la chaîne d’approvisionnement et pour une transparence accrue dans l’utilisation des dons en carburant, notamment le diesel. Elle y voit un levier stratégique pour augmenter les recettes fiscales, stabiliser les finances publiques et améliorer le climat des affaires.
Gouvernance et planification à long terme
Le FMI insiste également sur l’importance d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques à l’approche des prochaines élections. La mise en œuvre rigoureuse du Plan national de développement (PND 2024–2028) est jugée essentielle pour attirer des financements extérieurs, notamment privés, et dynamiser une croissance inclusive.
« La RCA reste déterminée à mener les réformes malgré des défis structurels importants », a déclaré Kenji Okamura, directeur général adjoint du FMI et président par intérim du conseil d’administration. Il souligne que la réussite du programme repose désormais sur un « fort soutien politique », une gouvernance renforcée et une coopération soutenue avec les institutions régionales, notamment celles de la CEMAC.
Une confiance fragile mais maintenue
Avec ce nouveau décaissement, la Centrafrique a perçu au total près de 124 millions de dollars depuis l’entrée en vigueur de l’accord en avril 2023. Un soutien certes important, mais conditionné à une exécution rigoureuse des réformes en cours. Le FMI, tout en restant engagé aux côtés de Bangui, appelle à une mobilisation plus efficace des ressources internes et à une plus grande responsabilité dans la gestion des finances publiques.
Dans un pays où les besoins humanitaires restent immenses et les capacités institutionnelles limitées, l’équilibre entre rigueur budgétaire, stabilité sociale et développement économique reste plus que jamais précaire.