La rencontre inattendue entre le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno et l’ex-président centrafricain François Bozizé, tenue à Bissau en marge d’une visite d’État, continue de faire bruisser les chancelleries d’Afrique centrale. Présentée comme un pas en faveur de la paix, cette entrevue soulève aussi de nombreuses interrogations, notamment sur une éventuelle réhabilitation politique de Bozizé.
La rencontre, révélée le 28 mai par la présidence tchadienne, intervient dans un climat régional tendu mais propice à la diplomatie parallèle. À Bangui, des signaux timides mais clairs montrent une volonté du pouvoir en place d’ouvrir la porte à un dialogue plus inclusif avec l’opposition, y compris les figures historiques en rupture avec le régime.
Un retour sur la scène négociée ?
Loin d’être anodine, la réunion entre Déby et Bozizé pourrait être interprétée comme une tentative de repositionnement de l’ancien homme fort de Bangui dans le processus de paix centrafricain. D’autant que selon plusieurs sources, le pouvoir centrafricain n’écarterait plus catégoriquement l’idée d’associer Bozizé aux prochaines négociations. Et l’intéressé ne s’y opposerait pas non plus, selon les mêmes canaux.
Dans un contexte où l’opposition politique peine à se structurer face à un pouvoir de plus en plus affirmé à Bangui, cette évolution pourrait rebattre les cartes. D’autant plus que la communauté internationale, y compris la CEEAC et l’Union africaine, demeure attachée à une solution politique globale pour la Centrafrique.
Le Tchad, médiateur stratégique
Depuis son accession au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno s’est positionné comme un acteur incontournable dans la gestion des crises régionales. Après avoir facilité des pourparlers avec des groupes politico-militaires soudanais et tchadiens, le président tchadien confirme, à travers cette initiative, son rôle de catalyseur diplomatique dans un espace centrafricain encore fragile.
Mais la discrétion de la rencontre, qui n’a été relayée par aucun média centrafricain officiel, interpelle. Pourquoi un tel huis clos ? Et surtout, pourquoi maintenant ?
Touadéra informé, mais prudent
Lors d’un point presse tenu le jour même de la révélation de l’entretien, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a reconnu avoir été informé par son homologue tchadien. Aucun commentaire n’a cependant été fait sur une possible intégration de Bozizé dans le processus politique en cours, laissant planer le doute sur la marge de manœuvre réelle de l’ancien président.
Pour les observateurs, deux lectures s’opposent : celle d’un geste purement symbolique dans le cadre d’une diplomatie régionale de façade, ou celle d’un premier jalon vers une réhabilitation négociée, dans un jeu d’équilibres où Touadéra cherche à apaiser sans perdre le contrôle.
Entre justice et réconciliation
Reste une question de fond : que faire du passif judiciaire de François Bozizé, toujours visé par des accusations de crimes et poursuivi par la justice centrafricaine et internationale ? Une éventuelle amnistie, pourtant taboue jusque-là, pourrait-elle être mise sur la table au nom d’une paix durable ?Alors que le pays s’engage vers de nouvelles phases de dialogue, le retour de Bozizé dans le débat politique national, même à bas bruit, pourrait se révéler être un facteur de recomposition. Ou de crispation.