Lors d’un déjeuner de presse tenu ce vendredi 30 mai, le président centrafricain Faustin Archange Touadéra s’est livré à un exercice de clarification sur deux dossiers brûlants qui alimentent les débats politiques à Bangui : la relance d’un dialogue avec l’opposition et la perspective d’un troisième mandat. Un échange à la tonalité à la fois ferme et énigmatique, révélateur d’un chef de l’État sur la défensive, mais encore maître du jeu politique.
Face aux journalistes réunis dans la capitale, Touadéra a tenu à rectifier ce qu’il considère comme des contre-vérités propagées par ses opposants. La demande de dialogue politique, portée ces derniers mois par plusieurs figures de l’opposition démocratique, a été vertement critiquée par le président, qui dénonce des démarches qu’il juge inappropriées. « Quand on veut dialoguer, on ne passe pas par des chancelleries étrangères », a-t-il martelé, accusant ses adversaires de contourner les voies institutionnelles au profit de pressions extérieures.
Touadéra affirme pourtant ne pas avoir fermé la porte au dialogue. Il assure avoir répondu à cette demande en instruisant ses collaborateurs d’entrer en contact avec les partis concernés pour définir les contours d’un éventuel échange. Mais selon lui, l’opposition n’a pas précisé ni les thèmes, ni le format souhaité pour une telle rencontre. Une manière, pour le chef de l’État, de renvoyer la balle dans le camp adverse.
Quant à la question cruciale de sa candidature pour un nouveau mandat présidentiel, Touadéra a esquissé une réponse à double lecture. Il rappelle que la nouvelle Constitution, promulguée le 30 août 2023, lui ouvre légalement la voie à une nouvelle candidature. Mais il affirme aussi que seule la volonté populaire et la décision de son parti détermineront s’il se lancera ou non dans la course à la présidentielle. « Ce n’est pas une décision personnelle, mais une décision collective », a-t-il insisté.
Une déclaration prudente, qui n’écarte en rien la possibilité d’une nouvelle candidature, mais qui permet au président de temporiser face aux critiques tout en maintenant le flou stratégique.
Ce tête-à-tête avec la presse aura donc laissé place à plusieurs interprétations. Derrière un ton calme et mesuré, le président Touadéra a joué une carte de fermeté institutionnelle, tout en se réservant une marge de manœuvre politique. Dialogue conditionné, ambitions électorales implicites : le dirigeant centrafricain continue de naviguer à vue, entre verrouillage du pouvoir et quête de légitimité.
À quelques mois d’échéances décisives, la Centrafrique reste suspendue aux intentions réelles de son président. Une chose est sûre : Faustin Archange Touadéra entend garder la maîtrise du tempo politique. Pour l’opposition comme pour les partenaires internationaux, il faudra lire entre les lignes.