Le paysage politique camerounais est secoué par de nouvelles accusations d’ingérence, cette fois-ci dirigées contre les Nations Unies. Maurice Kamto, figure de proue de l’opposition et candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2025, a publié ce 23 juin 2025 une déclaration cinglante, dénonçant un accord de partenariat entre l’ONU et Elections Cameroun (ELECAM) comme une « forfaiture électorale » qui mettrait en péril la démocratie.
L’objet du litige est une convention signée le 9 mai 2025, par laquelle les Nations Unies s’engagent à fournir une assistance technique à ELECAM pour le « cycle électoral 2025-2027 ». Si en surface cet accord semble relever d’une coopération standard, Maurice Kamto, à travers le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), y voit une manœuvre dangereuse et une violation flagrante des principes de neutralité.
Opacité et exclusion des Partis Politiques
Dès le départ, le MRC a exprimé de vives préoccupations concernant l’opacité entourant cet accord. Selon Kamto, les responsables locaux de l’ONU ont sciemment omis de communiquer sur la convention, et le communiqué d’ELECAM du 15 mai, jugé « vague à dessein » et « mensonger », n’a pas dissipé les doutes. L’opposition pointe du doigt le fait que l’accord, bien que présenté comme une réponse à des recommandations onusiennes de 2024, aurait en réalité été sollicité par ELECAM dès mai 2024, inversant la chronologie officielle.
Le leader du MRC insiste sur un point crucial : l’exclusion des partis politiques majeurs de la phase d’élaboration de ce projet d’assistance. Pour Kamto, « les Nations Unies ne peuvent plaider l’ignorance. Elles sont pleinement informées de cette situation qui dure ». Cette mise à l’écart est perçue non seulement comme suspecte, mais aussi comme une preuve de la volonté des Nations Unies d’accompagner un processus électoral vicié.
Un Contexte Socio-Politique Ignoré
La critique la plus virulente de Maurice Kamto concerne le « contexte socio-politique » dans lequel cet accord est censé s’inscrire, et que l’ONU ignorerait volontairement. Il énumère une série de griefs majeurs qui, selon lui, décrédibilisent tout le processus électoral camerounais :
* Refus de la réforme consensuelle du Code Électoral : Malgré les appels répétés du MRC, d’autres partis d’opposition et de la société civile, ainsi que les recommandations passées d’ELECAM et de l’Union Africaine, aucune réforme consensuelle n’a été entreprise.
* Obstacles à l’inscription électorale : Des millions de Camerounais, y compris ceux de la diaspora, seraient « illégalement et arbitrairement empêchés de s’inscrire sur les listes électorales ».
* Violations du Code Électoral par ELECAM : L’organe électoral est accusé de ne pas respecter ses propres règles, notamment en refusant de publier la « liste électorale nationale » et en supprimant arbitrairement des électeurs des listes.
* Déni de justice : Toutes les juridictions nationales saisies pour faire respecter le Code Électoral auraient fait preuve de « déni de justice ».
* Non-respect du calendrier électoral : Le report des élections législatives et municipales de février 2025 à mars 2026 est qualifié de « violation flagrante de l’article 15 alinéa 4 de la Constitution », visant à entraver la candidature du MRC à la présidentielle.
Les Nations Unies Accusées de « Complicité de Crimes »Pour Kamto, le projet de l’ONU est « inconséquent et hors-sol » s’il fait fi de ces réalités. Il va même plus loin, accusant l’organisation internationale de « financer et promouvoir la forfaiture » et d’être en « connivence assumée avec ELECAM et le régime sortant ». Le MRC et ses alliés, l’Alliance Politique pour le Changement (APC) et le Peuple du Changement, appellent l’ONU à prendre conscience du « rôle négatif que veut lui faire jouer le régime camerounais sortant ».
L’opposant rappelle les graves atteintes aux libertés publiques et les violations des droits de l’homme survenues au Cameroun depuis 2018, évoquant des assassinats non élucidés, des répressions, des tortures et des décès de prisonniers politiques. Il déplore que l’ONU ferme les yeux sur cette situation, préférant venir « inopportunément à la rescousse d’ELECAM, le fossoyeur des espoirs d’alternance démocratique ».
Un Avertissement au Peuple Camerounais
Maurice Kamto conclut sa déclaration par un avertissement clair au peuple camerounais. Il estime que le Cameroun n’a pas besoin d’une « assistance technique en matière électorale » qui se résume à du « bavardage » et qui ignore la participation des acteurs majeurs. Rappelant la « contribution regrettable » de l’ONU à l’amplification de crises post-électorales par le passé, il exhorte le peuple camerounais à « demeurer alerte et vigilant ».
Cette déclaration met sous les projecteurs la délicate position des Nations Unies au Cameroun et pourrait bien raviver les tensions à l’approche des échéances électorales cruciales. L’organisation internationale n’a pas encore répondu publiquement à ces accusations, mais la pression monte pour qu’elle clarifie sa position et son rôle dans le processus électoral camerounais.