De 2005 à 2019, l’AFD a accompagné le Sénégal dans la mise en place de centres de formation professionnelle, orientés vers les secteurs économiques prioritaires (industrie agroalimentaire, pêche, tourisme, travaux publics…). Si ces centres contribuent aujourd’hui à une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail, le secteur privé doit encore s’impliquer davantage dans leur gestion.
Au Sénégal, environ 350 000 jeunes adultes arrivent sur le marché du travail chaque année. Pour contribuer à leur employabilité dans le pays, le projet Qualification des ressources humaines (PQRH) – soutenu par l’AFD en appui de la stratégie sectorielle de l’État sénégalais – avait pour objectif d’adapter la formation professionnelle aux réalités du marché. Ainsi, de 2005 à 2019, il s’est agi de développer des Centres sectoriels de formation professionnelle (CSFP) répondant à des besoins clés pour améliorer la compétitivité de l’économie du pays et favoriser l’insertion des jeunes dans la vie active.
Des résultats en demi-teinte Aujourd’hui, six CSFP sont actifs et les taux d’insertion de leurs diplômés sont satisfaisants : les jeunes Sénégalais bénéficiant d’une formation initiale dans les centres en fonctionnement (activités portuaires, industries agroalimentaires, maîtrise énergétique des bâtiments…) ont en moyenne entre 60 et 80 % de chance de trouver un emploi, contre 40 % dans les centres de formation classiques. En revanche, l’offre de formation continue n’attire encore pas assez, comme le souligne l’évaluation du projet menée fin 2021 par Nodalis et l’Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement (Iram). Les entreprises sont encore réticentes à soutenir la formation continue de leurs employés. Conséquence pour la plupart des centres : des recettes plus faibles que prévu. À titre d’exemple, le volet formation continue du CSFP Agroalimentaire ne représentait que 7 % de son chiffre d’affaires en 2020.
Institutionnaliser l’engagement des professionnels du secteur
Le modèle des CSFP est basé sur un partenariat public-privé, expérimenté à l’occasion de ce projet via une délégation de service public. Ce principe impliquant le secteur privé a été inscrit par l’État dans la loi d’orientation de la formation professionnelle en 2015. Cela démontre sa pertinence à répondre aux attentes des entreprises et du secteur privé en général. Cependant, au fil des ans, le renouvellement des représentants des branches professionnelles au sein des conseils d’administration des CSFP n’a pas permis de maintenir le niveau d’implication du secteur privé, et donc l’alignement entre l’offre de formation et les besoins des entreprises.
« Au départ, ce projet a été porté par des individualités du privé très volontaristes, explique Mouhamadou Sylla, chargé d’évaluation à l’AFD. Il ne s’agissait pas d’un véritable engagement structurel. Ainsi, lorsque ces personnalités sont parties, les dynamiques de certains centres se sont essoufflées. » L’évaluation souligne qu’il est important de responsabiliser le secteur privé en amont. Pour institutionnaliser son engagement et bénéficier de professionnels investis, compétents et reconnus, il est nécessaire d’appuyer davantage le secteur privé sur deux aspects : d’abord organiser de façon plus structurelle sa participation à la gouvernance des CSFP, ensuite le secteur privé doit se former et s’outiller pour piloter et mettre en œuvre l’ingénierie de formation.
Une autonomie des centres à assurer
Par ailleurs, bien qu’une délégation de service public ait été signée avec le secteur privé, les réflexes interventionnistes de certains agents de l’État peinent à disparaître.
« Les pouvoirs publics, qui ne devraient intervenir que sur des sujets de dialogue stratégique, de programmation, de régulation, s’immiscent parfois dans la gestion des centres et empiètent sur l’autonomie de gestion accordée au secteur privé, poursuit Mouhamadou Sylla. Cela peut influer sur les offres de formation. » Une implication accrue du secteur privé ira de pair avec un renforcement de l’autonomie de gestion des CSFP. Pour mieux asseoir le partenariat public-privé, il est essentiel d’achever le cadre réglementaire, à travers notamment des décrets d’application de la loi de 2015, qui a institué ce principe.
De plus, un cadre d’échange permanent et structuré, avec un calendrier et des contrats de performance, doit être mis en place pour que chacun joue le rôle qui lui est assigné et que le dialogue entre les deux parties demeure équilibré. Si ce modèle est encore perfectible, il reste néanmoins attractif. La Banque mondiale a d’ailleurs sollicité l’AFD pour appuyer conjointement le Sénégal à massifier ces formations professionnelles, avec l’implication des professionnels de l’horticulture, de l’aviculture et du tourisme dans tout le pays.
source Édition de l’AFD