Afrique : Des ONG africaines poursuivent le groupe Bolloré pour corruption et blanchiment

Un collectif d’organisations non gouvernementales africaines a déposé une plainte en France contre le groupe Bolloré, l’accusant d’actes de corruption et de blanchiment d’argent liés à l’attribution de concessions portuaires en Afrique de l’Ouest. L’objectif est de récupérer plusieurs milliards d’euros issus de la vente de sa filiale Africa Logistics, considérés comme des « biens mal acquis ».

Le 18 mars, le collectif Restitution pour l’Afrique (RAF), composé de onze ONG issues de différents pays du continent, a porté plainte contre Vincent Bolloré, son fils Cyrille et leur groupe. Selon ces organisations, l’entreprise française aurait obtenu des concessions portuaires de manière frauduleuse grâce à des pratiques de corruption et de trafic d’influence. Ces activités auraient généré d’importants profits, blanchis lors de la vente en 2022 de Bolloré Africa Logistics au groupe maritime italo-suisse MSC pour un montant de 5,7 milliards d’euros.

Implanté en Afrique depuis les années 1980, le groupe Bolloré s’est bâti un empire économique couvrant 46 pays et reposant en grande partie sur un réseau de 16 concessions portuaires. Cette position stratégique lui a permis de dominer le commerce maritime africain. Toutefois, le collectif RAF affirme que ces concessions ont souvent été attribuées sans appel d’offres, en contrepartie de soutiens politiques apportés à certains dirigeants africains.

Des précédents judiciaires en matière de corruption

Ces pratiques ne sont pas inédites. Des enquêtes judiciaires menées en France ont déjà mis en cause Bolloré pour des faits similaires. En 2013, la justice française soupçonnait l’entreprise d’avoir utilisé sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour financer les campagnes électorales de Faure Gnassingbé au Togo et d’Alpha Condé en Guinée en 2010, facilitant ainsi l’obtention de concessions portuaires stratégiques. En Côte d’Ivoire, le terminal à conteneurs du port d’Abidjan avait été attribué en 2003 à Bolloré sans appel d’offres par le président Laurent Gbagbo, une décision critiquée pour son manque de transparence.

La nouvelle plainte déposée par le RAF élargit encore ces accusations en ciblant d’autres pays comme le Cameroun et le Ghana. Selon le collectif, ces contrats frauduleux ont privé les finances publiques africaines de ressources cruciales.

Vers une restitution des « biens mal acquis »

L’affaire prend une dimension inédite avec la revendication du concept de « biens mal acquis inversés », défendu par les avocats du RAF. Cette approche s’appuie sur une loi française de 2021 qui permet de restituer aux États d’origine les fonds issus de transactions frauduleuses. Ainsi, les plaignants estiment qu’une partie des 5,7 milliards d’euros obtenus lors de la vente de Bolloré Africa Logistics devrait être redistribuée aux pays concernés pour financer des projets de développement.

La justice française a déjà sanctionné le groupe Bolloré dans des affaires similaires. En 2021, l’entreprise avait accepté une convention judiciaire d’intérêt public et payé une amende de 12 millions d’euros après avoir reconnu certains faits. Toutefois, en 2024, le Parquet national financier (PNF) a refusé un accord qui aurait permis à Vincent Bolloré d’éviter un procès. Cette nouvelle procédure pourrait donc déboucher sur une enquête approfondie et relancer le débat sur les pratiques des multinationales françaises en Afrique.

Pour les ONG plaignantes, cette action en justice vise non seulement à sanctionner un groupe industriel, mais aussi à établir un précédent juridique en faveur de la restitution des richesses détournées, au bénéfice des populations africaines.

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