Tchad : le long chemin vers l’insertion sociale des enfants sans abri

Chaque matin, au cœur de la capitale tchadienne, des dizaines d’enfants errent dans les rues, un regard à la fois innocent et usé par la vie. Sans abri, sans repères, ils grandissent dans l’ombre d’une société qui peine encore à leur tendre la main. Derrière ces silhouettes invisibles, se cache une réalité sociale complexe, faite de violences, de désœuvrement, mais aussi d’un espoir ténu : celui de l’insertion.

Une jeunesse marginalisée

Selon des chiffres du ministère de l’Action sociale, on estime à plusieurs milliers le nombre d’enfants vivant dans la rue au Tchad, principalement à N’Djamena, Moundou, Sarh ou Abéché. Ces enfants, souvent livrés à eux-mêmes après avoir fui des situations familiales explosives, conflits, pauvreté extrême, décès des parents ou violences domestiques se retrouvent dans un cycle d’exclusion difficile à briser.

« J’ai quitté la maison parce que mon oncle me battait tous les jours. Je n’avais que 9 ans », raconte Mahamat, aujourd’hui âgé de 14 ans, rencontré près du marché central de N’Djamena. Depuis, il survit de petits boulots et de mendicité, dormant dans les rues ou sous les étals du marché une fois la nuit tombée.

Les obstacles à l’insertion

L’un des plus grands défis reste l’absence de structures d’accueil durables et adaptées. Bien que des centres existent, souvent gérés par des ONG ou des missions religieuses, leur capacité d’accueil reste limitée, leur financement précaire, et les programmes de réinsertion sociale insuffisamment coordonnés avec les politiques publiques.

Le système éducatif, quant à lui, peine à intégrer ces enfants souvent analphabètes ou déscolarisés depuis longtemps. Les écoles traditionnelles ne sont pas préparées à accueillir un public aussi vulnérable, nécessitant un accompagnement psychosocial avant toute tentative d’intégration.

« Il ne suffit pas de leur ouvrir une salle de classe. Ces enfants ont d’abord besoin de soins, de sécurité et de confiance », souligne Amina Djibrine, éducatrice spécialisée au sein de l’ONG Espoir de Demain. « Sans cela, ils repartent dans la rue à la première difficulté. »

Des initiatives, mais un besoin de synergie

Quelques projets pilotes, comme les centres de transition ou les ateliers de formation en artisanat, montrent qu’une insertion est possible. Mais ces efforts sont encore isolés. L’absence de politique nationale coordonnée sur la prise en charge des enfants des rues freine les avancées. Les acteurs du secteur social plaident pour une stratégie globale incluant l’État, les collectivités locales, la société civile et les partenaires internationaux.

Le regard de la société : un autre défi

L’un des obstacles les plus sournois reste le regard porté sur ces enfants. Souvent stigmatisés comme des voleurs ou des drogués, ils subissent un rejet social qui les enfonce davantage dans la marginalisation. Or, changer cette perception est essentiel pour leur permettre de retrouver une place dans la société.

« Ce sont des enfants, pas des délinquants. Ce qu’ils demandent, c’est une seconde chance », insiste Abdoulaye Dounia, travailleur social depuis 15 ans à N’Djamena.

Et après ?

L’insertion sociale des enfants sans abri au Tchad ne pourra être durable que si elle devient une priorité politique et sociétale. Elle implique des ressources, de la volonté et une approche humaine. En redonnant à ces enfants un toit, une éducation et une dignité, c’est l’avenir même du pays que l’on répare.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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