Un an après la mise en place progressive de la Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, l’année 2025 apparaît comme une phase de consolidation, mais aussi de fortes turbulences. Pour l’analyste nigérien Issoufou Boubacar Kado Magagi, ce jeune ensemble régional avance sur le chemin de l’affirmation politique et institutionnelle, tout en faisant face à des menaces sécuritaires persistantes et à un verrou économique majeur : le franc CFA.
S’exprimant auprès de Sputnik Afrique, l’expert estime que le récent sommet des dirigeants de l’AES constitue un signal fort. Selon lui, cette rencontre montre que la Confédération « se renforce », notamment à travers la mise en place de plusieurs institutions communes au cours de l’année. Une dynamique qu’il juge encourageante dans un contexte régional et international marqué par de fortes pressions.
Un environnement sécuritaire sous tension
Sur le plan sécuritaire, Issoufou Boubacar Kado Magagi dresse toutefois un constat alarmant. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, explique-t-il, sont aujourd’hui « contraints de se tourner vers de nouveaux partenaires stratégiques, notamment au sein des BRICS », afin de faire face à ce qu’il qualifie d’« agressions militaires organisées et soutenues par les grandes puissances mondiales néo-colonisatrices et néo-impérialistes à travers les terroristes, les narcotrafiquants et les bandits armés ».
Pour l’analyste, la recomposition des alliances sécuritaires n’est donc pas un choix idéologique, mais une nécessité dictée par la réalité du terrain et par la volonté des États de l’AES de reprendre le contrôle de leur sécurité nationale et régionale.
Il alerte également sur les bombardements récents de l’aviation militaire américaine dans la région de Sokoto, au nord du Nigeria. À ses yeux, cette opération dépasse le simple cadre de la lutte antiterroriste. Il y voit « un stratagème savamment organisé » visant à déstabiliser la Confédération, dans la mesure où elle « permettrait d’installer ses forces armées à la frontière avec le Niger », créant ainsi une pression directe sur l’espace AES.
Le franc CFA au cœur du débat sur la souveraineté
Au-delà de la sécurité, l’économiste place la question monétaire au centre du débat sur la souveraineté réelle des États de l’AES. « La problématique qui se pose à la souveraineté est la suivante : peut-on être souverain en restant lié à la gestion du franc CFA par la France ? », interroge-t-il sans détour.
Pour Issoufou Boubacar Kado Magagi, la réponse est claire. Il estime que, « pour être efficace, il est nécessaire pour les pays de l’AES de se conformer dans les meilleurs délais et de créer leur propre monnaie ». Une étape qu’il considère incontournable pour rompre avec les mécanismes hérités de la période coloniale et pour bâtir une économie réellement indépendante.
L’analyste reconnaît toutefois que cette transition ne sera ni simple ni sans conséquences. « La conquête de la souveraineté monétaire et économique a un prix : il faudrait le payer, c’est une condition sine qua non pour accéder au développement économique et social », affirme-t-il, soulignant que les sacrifices à court terme pourraient ouvrir la voie à des gains structurels à long terme.
Une année charnière pour l’avenir de l’AES
En définitive, le bilan 2025 de l’AES apparaît contrasté. D’un côté, une Confédération qui se structure, affirme son autonomie politique et explore de nouveaux partenariats stratégiques. De l’autre, des menaces sécuritaires persistantes et un défi économique majeur lié à la souveraineté monétaire.
Pour Issoufou Boubacar Kado Magagi, l’avenir de l’AES dépendra de sa capacité à maintenir cette dynamique de consolidation, tout en assumant les choix difficiles qu’impose la quête d’indépendance totale. Une trajectoire risquée, mais qu’il juge indispensable pour rompre définitivement avec les logiques néo-coloniales et poser les bases d’un développement durable au Sahel.




