Dix-sept années d’errance, de précarité et d’attente interminable. À Diguel Sahalaye, dans le 8ᵉ arrondissement de la capitale tchadienne, 77 familles continuent de payer le prix d’un déguerpissement intervenu le 8 novembre 2008. Aujourd’hui regroupées au sein du Comité de crise des déguerpis de Diguel Sahalaye, elles relancent un appel pressant aux plus hautes autorités de l’État pour l’exécution de décisions de justice pourtant définitives.
Ce matin-là de novembre 2008, les habitations du quartier sont rasées lors d’une opération de grande ampleur. Selon les victimes, l’intervention s’est déroulée sans procédure administrative régulière ni mécanisme préalable de compensation. Depuis, près de 2 800 personnes vivent sans logement stable, exposées à une vulnérabilité sociale durable, avec des répercussions lourdes sur la santé, la scolarisation des enfants et les conditions de vie.
Sur le plan judiciaire, les familles affirment avoir épuisé toutes les voies de recours. Après dix-sept appels successifs, les juridictions tchadiennes ont rendu des décisions définitives et exécutoires en leur faveur. Le montant de l’indemnisation a été arrêté à 1 274 160 000 FCFA. Une somme consignée dans « la Grosse », l’acte exécutoire de la décision, et confirmée par une correspondance de l’Agence judiciaire de l’État adressée au ministère des Finances le 11 septembre 2025. Pourtant, à ce jour, aucun décaissement n’a été effectué.
Face à ce qu’il qualifie de « silence absolu » des institutions concernées, le président du comité de crise, Brahim Gombo Mahamat, a adressé une lettre ouverte au président de la République. Les déguerpis sollicitent une intervention directe afin d’ordonner l’exécution effective de l’indemnisation, de mobiliser le ministère des Finances pour le paiement immédiat des sommes dues et de prévenir l’enracinement d’un conflit social latent.
Au-delà de la réparation financière, l’affaire de Diguel Sahalaye pose la question du respect des décisions de justice et de la crédibilité de l’État de droit au Tchad. Dix-sept ans après leur éviction, les familles concernées espèrent que leur situation ne restera plus une affaire classée, mais un dossier prioritaire où la justice rendue sera enfin la justice appliquée.




