Ce 1er décembre, le Tchad commémore le 35ᵉ anniversaire de la Journée nationale de la liberté et de la démocratie. Une date lourde d’histoire, porteuse de promesses mais aussi d’interrogations profondes. Car derrière les célébrations officielles, demeure une réalité qui dérange : qu’avons-nous réellement fait de cette liberté conquise au prix du sang en 1990 ?Ce jour-là, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) mettait fin à la dictature brutale d’Hissein Habré. L’événement suscitait un immense espoir : celui de voir émerger un Tchad nouveau, pacifié, démocratique, respectueux des droits humains. Une rupture attendue, presque rêvée, après des années de répression, d’arbitraire et de peur.
Mais trente-cinq ans plus tard, que reste-t-il de cet élan fondateur ? Les aspirations légitimes à la liberté se heurtent encore à des pratiques qui rappellent tragiquement les pages sombres que le pays pensait avoir refermées. Arrestations de journalistes et d’acteurs politiques, manifestations réprimées, disparitions forcées, restrictions de l’espace civique : le tableau n’est pas celui d’une démocratie apaisée, mais d’un processus fragile, parfois même vacillant.
La commémoration de cette journée ne devrait donc pas être une simple répétition de discours triomphalistes. Elle doit servir de miroir critique. Car célébrer la liberté n’a de sens que si l’on se donne le courage d’en mesurer l’état réel. Le Tchad dispose d’une société civile dynamique, de jeunes engagés, de médias résilients, d’acteurs politiques qui réclament légitimement plus de justice et de transparence. Leur voix mérite d’être entendue, pas réprimée.
À l’heure où le pays aspire à la stabilité, à des institutions crédibles et à une véritable réconciliation nationale, il devient indispensable de renouer avec les promesses de 1990 : l’État de droit, le respect des libertés fondamentales, la justice pour tous, la fin de l’impunité. La liberté n’est pas un héritage à consommer, c’est une conquête permanente.
En ce 1er décembre, le Tchad gagnerait à transformer cette commémoration en engagement collectif. Pour que la « Journée de la liberté et de la démocratie » ne soit pas un slogan figé dans les archives, mais une réalité vécue par chaque citoyen. Parce qu’un pays qui commémore la liberté doit d’abord la garantir.




