L’ancien président français François Hollande a ravivé le débat sur l’influence russe au Sahel en accusant, lundi sur France Inter, Moscou d’avoir joué un rôle central dans la déstabilisation du Mali. En établissant un parallèle direct avec la guerre en Ukraine, le dirigeant français estime que les stratégies du Kremlin dans ces deux espaces répondent à une même logique d’expansion et d’affaiblissement des États.
« Il y a un lien entre le Mali et l’Ukraine »
Selon François Hollande, la Russie aurait « d’abord déstabilisé » le Mali en promettant une sécurité qu’elle n’aurait pas garantie. Il affirme que Bamako se trouve aujourd’hui « asphyxiée », notamment en raison de groupes armés qui paralysent l’approvisionnement en carburant de la capitale. L’ancien chef de l’État met en garde contre un éventuel effondrement du pays, aux conséquences qui, selon lui, dépasseraient largement les frontières maliennes.
Pour Hollande, une telle crise toucherait le Niger, le Burkina Faso, voire le Sénégal, et ne serait pas sans impact sur l’Europe. « Les Russes sont désireux de déstabiliser non seulement le Mali, mais aussi la France », a-t-il déclaré, insistant sur les implications géostratégiques d’une présence russe renforcée au Sahel.
Un regard critique sur le retrait français
L’ancien président est également revenu sur le rôle de la France au Mali, rappelant le « coût humain » de l’engagement militaire, avec « plus de 50 soldats morts » et de nombreux blessés. Il estime que Paris aurait dû adopter une position plus ferme à l’égard du coup d’État militaire qui a renversé les autorités élues, jugeant que ce basculement « n’aurait jamais dû être toléré ».
Dans une formule ambiguë, Hollande a reconnu que le régime malien avant le putsch « pouvait être qualifié de démocratique » malgré certaines « aberrations ».
Wagner parti, l’Africa Corps prend le relais
Si Bamako n’a jamais confirmé officiellement la présence de la milice Wagner, celle-ci a annoncé son retrait le 6 juin 2025, assurant avoir « accompli sa mission ». Mais, selon plusieurs sources diplomatiques et médias spécialisés, ce départ n’a pas mis fin à l’influence russe : il s’agirait plutôt d’une reconfiguration.
Le groupe paramilitaire Africa Corps, placé sous la tutelle du ministère russe de la Défense, occuperait désormais progressivement le terrain, marquant une continuité opérationnelle après Wagner.
Dès 2021, le Kremlin niait toute implication militaire directe au Mali, qualifiant les accusations françaises d’« exagérées ». Moscou affirmait alors que ses relations avec les pays africains demeuraient « amicales et constructives ».
Moscou renverse l’accusation
Face aux critiques françaises, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait retourné l’argument, accusant Paris de chercher à conserver une influence néocoloniale au Sahel. Il reprochait à la France son ingérence dans les affaires intérieures des pays africains, citant notamment la Libye et le Mali.
Réactions à Bamako : Paris dans le viseur
Les autorités maliennes de la transition ont, elles aussi, rejeté les accusations françaises. L’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga avait fustigé ce qu’il qualifiait de « terrorisme politique, médiatique et diplomatique » de la part de Paris, estimant que certaines décisions internationales, notamment les sanctions, répondaient à « un agenda extérieur ».
Bamako insiste depuis plusieurs années sur la nature « d’État à État » de sa coopération avec Moscou, rejetant toute notion de mercenariat.




