La semaine dernière a marqué un tournant stratégique pour le Tchad. Lors du Forum sur le commerce et l’investissement à Abu Dhabi (10-11 novembre 2025), N’Djamena a annoncé avoir sécurisé les deux tiers du financement nécessaire pour son Plan national de développement quinquennal “Tchad Connexion 2030” : 20,5 milliards de dollars sur les 30 milliards visés. Cet événement est d’une portée historique. Il illustre non seulement la volonté du gouvernement tchadien de moderniser l’économie, mais aussi sa stratégie de diplomatie économique : réunir des investisseurs internationaux pour transformer le Tchad en un pôle dynamique dans la région.
Une ambition louable… mais un chemin semé d’écueils
Les 40 protocoles d’accord signés avec le secteur privé couvrent des secteurs structurants : énergie, agriculture, mines, textile, tourisme, éducation, industries… Cette diversification est exactement ce qu’il faut pour sortir le Tchad d’un modèle trop dépendant, et bâtir un développement inclusif.
Pourtant, le fait de « sécuriser » le financement ne signifie pas que les fonds sont déjà tous disponibles ou décaissés. Il faudra maintenant transformer ces promesses en réalité : que les engagements se concrétisent, que les investissements privés soient pérennes, et que la bonne gouvernance accompagne ces projets massifs. Sans rigueur, ce plan risque de rester un mirage.
Par ailleurs, l’ambition est forte : certains responsables évoquent une croissance annuelle du PIB de 8 à 10 %, la transformation des filières agricoles, la digitalisation, le renforcement des infrastructures. Ces projections sont encourageantes, mais elles supposent un écosystème stable sur les plans institutionnel, politique et macroéconomique.
Les signes d’un renouveau économique mais pas sans défis
L’annonce intervient dans un contexte où le Tchad montre des signaux économiques plus positifs. Même si l’inflation reste une épine, le FMI signale un recul des prix, ce qui peut alléger une partie de la pression sur le coût de la vie. Mais sur le plan social, les tensions persistent. Par exemple, le secteur de l’éducation, essentiel pour le capital humain que le PND vise à renforcer, n’est pas à l’abri de conflits (grèves, revendications). De plus, la réussite des projets d’infrastructure dépendra largement de la capacité de l’État à mener des réformes, réduire la bureaucratie, et créer un climat favorable aux investisseurs.
Une occasion à ne pas manquer et un appel à la responsabilité
Ce succès diplomatique, cette mobilisation de fonds, offre au Tchad une occasion rare de redéfinir son avenir économique. Si bien exploité, “Tchad Connexion 2030” pourrait amorcer une transformation profonde : moderniser les infrastructures, booster l’éducation, diversifier l’économie, créer des emplois durables, et améliorer le bien-être des citoyens.
Mais cela demande plus que des promesses : une vision stratégique, de la transparence, et une responsabilisation forte. Le gouvernement doit garantir que les ressources mobilisées soient utilisées efficacement, que les projets soient pilotés de façon professionnelle, et que la population tire un bénéfice réel de ces investissements.
Pour les partenaires étrangers, c’est une opportunité d’engagement concret. Pour les citoyens tchadiens, c’est un pari sur un futur plus prospère. Pour le Tchad, c’est un moment charnière : réussir ce PND, c’est démontrer que le pays peut tourner la page d’une économie fragile pour regarder vers un développement ambitieux et durable.




