International : Quand le profit passe avant les êtres humains : l’UE exporte 9.000 tonnes de pesticides interdits vers l’Afrique

Les révélations de deux ONG internationales, Public Eye et Unearthed, font froid dans le dos : en 2024, l’Union européenne (UE) a exporté près de 9.000 tonnes de pesticides interdits vers l’Afrique, avec le Maroc et l’Afrique du Sud parmi les principaux destinataires. Une pratique qui soulève une nouvelle fois la question des politiques à géométrie variable en matière de santé publique et de protection de l’environnement.

Des chiffres qui interpellent

Selon le rapport, l’UE a expédié un total de 122.000 tonnes de pesticides interdits en 2024, soit une hausse de 50% par rapport aux 81.000 tonnes enregistrées en 2018. Ce bond spectaculaire illustre l’ampleur du paradoxe : ce qui est jugé dangereux et prohibé en Europe continue d’être produit massivement pour être écoulé ailleurs.

Autre donnée inquiétante : le nombre de substances concernées. 75 pesticides interdits ont été annoncés à l’exportation en 2024, contre 41 seulement six ans plus tôt. Ces produits, interdits en Europe pour leurs effets nocifs sur la santé humaine, la biodiversité et les écosystèmes, se retrouvent désormais dans 93 pays, dont 75% appartiennent à la catégorie des pays à revenu faible ou intermédiaire.

Des pratiques controversées

Le paradoxe saute aux yeux. En interdisant ces produits sur son territoire, l’UE reconnaît leur toxicité avérée. Pourtant, elle continue de permettre aux industriels de les fabriquer et de les écouler à l’étranger, en particulier vers des marchés où les mécanismes de contrôle sanitaire et environnemental sont souvent fragiles.

Pour Public Eye et Unearthed, il s’agit ni plus ni moins d’un double standard moral et sanitaire : protéger les populations européennes tout en exposant d’autres peuples aux risques de cancers, de perturbations endocriniennes ou de pollutions massives des sols et des eaux.

L’Afrique en première ligne

L’Afrique, qui reçoit une partie non négligeable de ces exportations, se retrouve en première ligne face aux dangers. Dans de nombreux pays, la dépendance à l’agriculture intensive pousse les producteurs à utiliser ces produits chimiques bon marché, sans toujours disposer d’informations suffisantes sur leur toxicité. Le Maroc et l’Afrique du Sud figurent ainsi parmi les principaux pays importateurs, selon le rapport.

Or, les conséquences ne se limitent pas aux seuls travailleurs agricoles. Ces pesticides interdits peuvent contaminer la chaîne alimentaire, les nappes phréatiques et les sols, avec des effets à long terme sur la santé publique et l’environnement.

Entre économie et éthique

Si l’Europe justifie parfois ces exportations par le principe de « liberté du commerce », la réalité est plus brutale : le profit passe avant la vie humaine. Les ONG dénoncent une politique hypocrite qui expose les pays du Sud à des risques que l’UE refuse pour ses propres citoyens.

Cette pratique alimente également des rapports de dépendance économique, où les pays africains importateurs se retrouvent à payer le prix fort, non seulement financièrement, mais aussi en termes de santé publique et de dégradation des écosystèmes.

Vers une prise de conscience ?

Face à la pression croissante des ONG et des scientifiques, certains responsables européens ont commencé à évoquer la nécessité de revoir le cadre légal qui autorise ces exportations. Mais pour l’heure, aucune mesure concrète n’a été adoptée.

En attendant, l’Afrique et d’autres régions du monde continuent de servir de déversoir chimique pour une industrie agrochimique en quête de marchés.


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