C’est dans un contexte marqué par la montée des discours de haine et les défis posés par la régulation des contenus numériques que s’est tenu à N’Djamena, le Colloque International sur les mécanismes de lutte contre les discours de haine, couplé à la célébration du 30e anniversaire de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) du Tchad.
Pendant trois jours, du 25 au 27 septembre, cette rencontre de haut niveau a réuni des experts internationaux, universitaires, régulateurs africains, professionnels des médias et représentants institutionnels, dans le cadre d’un débat approfondi autour du thème : « Les mécanismes de lutte contre les discours de haine : état des lieux et perspectives ».
30 ans d’engagement pour un espace médiatique responsable
Créée en 1994 à la suite de la Conférence Nationale Souveraine, la HAMA, connue auparavant sous le nom de Haut Conseil de la Communication (HCC), a su évoluer avec les mutations profondes du paysage médiatique tchadien. De la régulation des médias classiques à l’encadrement des plateformes numériques, l’institution célèbre trois décennies au service de la liberté d’expression, tout en veillant au respect des règles éthiques et déontologiques.
Dans un monde où la communication est de plus en plus instantanée, la montée en puissance des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle constitue un défi majeur. Les discours haineux circulent aujourd’hui à une vitesse sans précédent, amplifiés par des algorithmes peu modérés et des utilisateurs souvent anonymes.
Une menace pour la cohésion sociale
Selon la définition des Nations Unies, le discours de haine englobe « tout type de communication ou comportement utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire à l’égard d’un individu ou d’un groupe en raison de caractéristiques identitaires ». Ce phénomène prend une ampleur inquiétante, nourrissant les tensions communautaires, ethniques, religieuses ou politiques, au détriment de la paix et du vivre-ensemble.
Lors de la cérémonie d’ouverture, Dr Tom Erdimi, Premier Ministre par intérim et représentant du Président de la République, a salué la pertinence du thème, soulignant que « le discours de haine alimente les divisions, exacerbe les conflits et compromet les fondements même de nos sociétés ». Il a appelé à une stratégie intégrée, fondée sur l’éducation, la réglementation, la coopération et la responsabilisation des plateformes et des utilisateurs.
Vers une synergie africaine des régulateurs
La rencontre de N’Djamena s’est également inscrite dans la dynamique des réseaux africains et francophones de régulation des médias, notamment le RIARC (Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication) et le REFRAM (Réseau Francophone des Régulateurs des Médias), représentés par leurs présidents respectifs.
Dans son allocution, le Président en exercice du RIARC Me René BOURGOIN,a souligné que :« Les mutations du paysage numérique nous imposent un devoir d’action collective pour garantir la liberté d’expression, tout en protégeant les citoyens contre les dérives du discours haineux. »
Le colloque a permis de dresser un état des lieux partagé entre pays membres, et de proposer des pistes concrètes pour renforcer la coopération interinstitutionnelle, harmoniser les cadres juridiques et promouvoir une communication responsable et éthique.
Une célébration tournée vers l’avenir
Au-delà de la réflexion, ce colloque fut également l’occasion de rendre hommage aux 30 années d’existence de la HAMA, institution pionnière au Tchad en matière de régulation des médias. Sa Présidente, Mme Aline Asadia Ali, a rappelé que ce moment de célébration doit aussi marquer « un point de départ vers une HAMA renforcée, adaptée aux défis numériques, et actrice d’une régulation plus proactive au service de la paix sociale ».
La régulation comme levier de paix
Dans un environnement numérique où l’information se propage sans filtre, la régulation n’est plus un luxe, mais une nécessité démocratique. Comme l’a souligné le Premier Ministre par intérim, « il ne s’agit pas de restreindre la liberté d’expression, mais de la préserver en empêchant qu’elle ne devienne un vecteur de haine ».
Ce colloque démontre que l’Afrique est prête à faire front commun contre les discours de haine, en misant sur la coopération, l’intelligence collective et l’innovation réglementaire.
À l’issue de ces trois jours des mécanismes seront mis en place pour bâtir un écosystème médiatique où la liberté d’expression rime avec responsabilité, respect et cohésion.