Tchad : 65 ans après, une justice sous tutelle et sous suspicion

Soixante-cinq ans après l’indépendance, l’appareil judiciaire tchadien reste l’un des maillons les plus fragiles de l’État de droit. Loin d’incarner l’idéal d’une justice indépendante, impartiale et au service des citoyens, il apparaît souvent comme un outil au service du pouvoir exécutif, un terrain miné par la corruption, le clientélisme et la compromission.

Soixante-cinq ans après l’indépendance, l’appareil judiciaire tchadien reste l’un des maillons les plus fragiles de l’État de droit. Loin d’incarner l’idéal d’une justice indépendante, impartiale et au service des citoyens, il apparaît souvent comme un outil au service du pouvoir exécutif, un terrain miné par la corruption, le clientélisme et la compromission.

Une indépendance inscrite dans les textes, étouffée dans la pratique

Sur le papier, la Constitution garantit la séparation des pouvoirs et l’autonomie des magistrats. Dans les faits, les ingérences directes ou indirectes de l’exécutif sont monnaie courante. Les décisions judiciaires sont fréquemment influencées par des considérations politiques, transformant les tribunaux en instruments de règlement de comptes ou en boucliers pour protéger les proches du régime.

Corruption et clientélisme : le poison qui gangrène le système

Le manque de moyens matériels n’explique pas à lui seul les dysfonctionnements. La corruption, devenue presque structurelle, favorise les verdicts dictés par les enveloppes plutôt que par les preuves. Le clientélisme et le favoritisme dominent les nominations et les promotions, au détriment de la compétence et de l’éthique professionnelle. Résultat : une perte de confiance massive des citoyens envers les institutions judiciaires.

Incompétence et compromission : double peine pour les justiciables

À ces dérives s’ajoute l’incompétence de certains acteurs du système, qui rend la justice non seulement partiale mais aussi inefficace. Des procédures bâclées, des délais interminables et des verdicts incohérents sapent l’idée même de justice. Cette situation fragilise l’ensemble du tissu social, nourrit l’impunité et alimente la frustration populaire.

L’urgence d’une réforme profonde et crédible

Il est illusoire de parler de démocratie et d’État de droit sans une justice indépendante et crédible. Le Tchad ne pourra bâtir une société équitable tant que les juges craindront les pressions politiques et que les justiciables devront « acheter » leur verdict. Les réformes doivent aller au-delà des discours et s’attaquer aux racines : transparence dans les nominations, formation continue, contrôle des pratiques, et surtout, volonté politique réelle de laisser la justice faire son travail.

Après 65 ans, le pays ne peut plus se permettre une justice à deux vitesses. L’avenir du Tchad dépend aussi de sa capacité à rompre avec cette culture d’ingérence et de corruption qui, aujourd’hui encore, ternit l’idéal d’indépendance et de probité judiciaire.

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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