Dans un contexte marqué par une circulation massive de fausses nouvelles au Tchad, certains acteurs de la société civile montent au front pour restaurer le droit à une information fiable. Parmi eux, Mahamat Saleh Beindjere, se démarque par son engagement constant depuis cinq ans dans la lutte contre la désinformation.
Président du club RFI et coordinateur national de l’Association Tchadienne d’Éducation aux Médias et à l’Information (EducMediaTchad), il partage son expérience, marquée par une conviction profonde : celle de faire barrage aux rumeurs et aux intox qui gangrènent le vivre-ensemble au Tchad.
Une prise de conscience née de la pandémie
« C’est exactement à l’arrivée du coronavirus qu’on a pris conscience de l’ampleur du problème », se remémore Beindjere. « Il y avait tellement de rumeurs, tellement de désinformation autour de cette maladie et du vaccin… » Face à cette vague d’intox, son association a lancé des initiatives pour sensibiliser les jeunes, les informer sur la nature réelle du virus et les mesures barrières. « On a voulu qu’ils deviennent eux-mêmes des relais d’information dans leurs communautés. »
C’est dans ce contexte de crise sanitaire que lui et ses collègues prennent goût à cette mission : déconstruire les fausses nouvelles et défendre le droit à une information claire et vérifiée. « Depuis, on n’a jamais arrêté. »
Une désinformation qui gagne du terrain
À la question de savoir quelle est l’ampleur du phénomène aujourd’hui au Tchad, Beindjere ne mâche pas ses mots : « De nos jours, la désinformation est en train de prendre une grande ampleur. Elle touche la communauté, elle touche la consommation, même l’argent. Elle est en train de gagner du terrain. » D’où l’urgence, selon lui, de continuer à mobiliser et à informer pour atténuer les effets de ce fléau.
Les formes les plus fréquentes : canulars et manipulations
« Ici au Tchad, ce qu’on rencontre beaucoup, ce sont les canulars et les saturnes », explique-t-il. Ces deux formes de désinformation consistent souvent à sortir une information vraie de son contexte. « C’est juste pour nuire à une personne, à une communauté ou à une ethnie », déplore-t-il. Pour lui, ce phénomène s’inscrit dans une logique de « repris identitaire » où chacun tente de discréditer l’autre à travers des contenus déformés, souvent partagés en masse sur les réseaux sociaux.
Des exemples récents inquiétants
Beindjere évoque des cas concrets pour illustrer ses propos. « Prenons maintenant les conflits qui se passent dans nos localités, que ce soit au Sud, au Nord ou ailleurs. Il y a des moments où de fausses vidéos ou des informations erronées circulent, ce qui ne fait qu’attiser les tensions. » Ces fausses informations, selon lui, peuvent aggraver les conflits, provoquer des réactions violentes et saper les efforts de paix.
Une réponse citoyenne et éducative
Face à cette réalité, EducMediaTchad agit sur plusieurs fronts. « Nous organisons des séances d’éducation aux médias, des formations, des campagnes de sensibilisation. On va dans les écoles, dans les quartiers. On utilise même les réseaux sociaux pour faire passer des messages positifs. »
Pour Beindjere, l’essentiel est de « former une jeunesse capable de détecter la désinformation, de vérifier avant de partager, de devenir des citoyens responsables et critiques. »
Une bataille pour l’avenir démocratique
Pour Mahamat Saleh Beindjere, le combat contre la désinformation est aussi un combat pour la démocratie. « Quand les gens sont mal informés, ils prennent de mauvaises décisions. Et ces décisions peuvent mettre en péril notre cohésion nationale. »
Alors que les fausses nouvelles continuent de circuler à grande vitesse, des voix comme celle de Beindjere rappellent que la lutte pour une information juste et équilibrée est plus que jamais une nécessité. Car en fin de compte, « mieux informer, c’est mieux vivre ensemble ».