Le soleil tape fort en ce début d’après-midi. Assis sur sa moto à l’ombre d’un panneau publicitaire défraîchi, Emmanuel, 30 ans, regarde passer les voitures, guettant un client comme on guette une opportunité de survie. Diplômé en froid et climatisation au Centre de Formation CTAP de N’Djamena, il est aujourd’hui conducteur de moto-taxi, ou « clando », faute de mieux.
« J’ai appris un vrai métier. Je sais installer et réparer un climatiseur, je maîtrise la technique. Mais depuis que j’ai fini ma formation il y a deux ans, je n’ai jamais eu un vrai contrat. Juste quelques petits dépannages, payés à peine de quoi remplir mon réservoir. »
Emmanuel espérait qu’une fois diplômé, les choses changeraient.
« Le jour de la remise des attestations, on nous a dit qu’on était l’avenir du pays. Aujourd’hui, mon attestation est accrochée au mur à la maison, bien encadrée… mais c’est mon guidon qui me nourrit. »
Chaque matin, il enfourche sa moto à 6 heures et rejoint le rond-point Double Voie, son « poste de travail », comme il dit avec ironie. Ce jour-là, il n’a encore gagné que 2 000 francs à 13h.
« Quand tu es clando, tu es à la merci de tout : la police, les clients malhonnêtes, les pannes, les accidents. Mais je n’ai pas le choix. Il faut bien que je vive. »
Emmanuel n’a pas honte de ce qu’il fait, mais il est blessé par le silence des autorités et le manque de perspectives pour les jeunes formés.
« On nous parle d’émergence, d’emploi des jeunes, mais sur le terrain, c’est chacun pour soi. Combien de diplômés tournent comme moi dans les rues, casque au poing, avenir en vrac ? »
Et pourtant, Emmanuel garde espoir. Il rêve d’ouvrir un petit atelier de réparation de climatiseurs, de reprendre son métier, celui qu’il aime. En attendant, il serre les dents, le regard droit.
« Je ne veux pas juste survivre. Je veux travailler, dignement. Je veux prouver que je vaux plus que ce que cette moto laisse croire. »