Centrafrique – Affaire Nguéma Ngokpélé : Silence assourdissant autour d’une détention jugée arbitraire

Arrêté dans des conditions opaques et placé sous mandat de dépôt le 14 mai à la prison de Ngaragba, le journaliste centrafricain Ulrich Landry Nguéma Ngokpélé, directeur de publication du Quotidien de Bangui, est au cœur d’un bras de fer entre la justice centrafricaine et les défenseurs de la liberté de la presse. À l’origine de l’indignation, une procédure qui, selon Reporters sans frontières (RSF), viole frontalement la loi sur la presse en vigueur dans le pays depuis 2004, laquelle exclut pourtant toute peine privative de liberté pour les délits de presse.

Accusé d’“incitation à la haine contre le gouvernement” et de “diffusion de fausses informations de nature à troubler l’ordre public”, le journaliste encourt jusqu’à 15 ans de prison. Pourtant, aucune preuve formelle n’a été officiellement communiquée à l’intéressé ou à son conseil, selon son avocat Me Roger Loutomo. L’article à l’origine des poursuites évoquerait la présence de l’ancien président François Bozizé à Bangui, un sujet sensible s’il en est, mais relevant du travail d’enquête journalistique.

Pourquoi ce silence ?

Depuis plusieurs jours, RSF tente en vain d’obtenir des explications de la part du ministre de la Communication et des Médias, Maxime Balalou, ainsi que du procureur de la République, Benoît Narcisse Foukpio. Tous deux gardent un silence lourd de sens, que d’aucuns interprètent comme une gêne face à une affaire qui, au-delà du cas Nguéma Ngokpélé, pose la question plus large du recul de la liberté d’informer en Centrafrique.

Jean-Fernand Koena, vice-président de l’Union des journalistes centrafricains, rappelle que ce n’est pas la première fois que le journaliste est visé par des pressions. “Il est sérieux, rigoureux, mais dérange par son indépendance”, confie un collègue sous anonymat.

Pour RSF, la situation est claire : il s’agit d’un détournement de procédure visant à museler une voix critique. Son directeur Afrique subsaharienne, Sadibou Marong, appelle à une libération immédiate, dénonçant une “détention arbitraire” et une “violation manifeste de la législation sur la presse”.

Alors que la première comparution publique du journaliste est prévue pour le 19 mai, les regards se tournent vers les autorités judiciaires. Mais une question demeure : jusqu’où ira le gouvernement centrafricain dans sa volonté de faire taire les voix discordantes ?

Constant Danimbe
Constant Danimbe
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