Les diasporas tchadiennes jouent depuis plusieurs années un rôle décisif dans l’économie nationale grâce aux transferts d’argent qu’elles envoient régulièrement à leurs familles restées au pays. Pourtant, malgré leur importance croissante, ces flux financiers restent souvent sous-estimés dans les politiques publiques, alors qu’ils constituent un véritable levier de développement pour le Tchad.
Avec plusieurs centaines de milliers de Tchadiens vivant à l’étranger — notamment en Europe, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord et dans certains pays africains — les transferts d’argent représentent une bouffée d’oxygène pour de nombreux ménages. Ils participent à couvrir des dépenses essentielles comme l’alimentation, la santé, la scolarité, le logement ou encore des investissements familiaux. Dans plusieurs régions, notamment dans le sud et l’est du pays, ces soutiens financiers sont devenus un filet de sécurité incontournable face à l’inflation, aux crises climatiques et à la faiblesse des opportunités économiques locales.
Bien que les données officielles restent limitées, différentes estimations indiquent que les transferts de la diaspora tchadienne pourraient atteindre chaque année plusieurs centaines de millions de dollars. Ces montants dépassent parfois l’aide publique au développement reçue par le pays, ce qui montre leur poids macroéconomique croissant. Les opérateurs de transfert rapide de fonds — Western Union, MoneyGram, MoovMoney ou Airtel Money, entre autres — témoignent d’une hausse constante des transactions, signe de la vitalité de cette contribution.
Malgré cela, cet apport financier majeur reste largement négligé dans les stratégies publiques. Les transferts de fonds ne sont que rarement intégrés dans les politiques de développement ou les programmes nationaux de soutien à l’investissement. L’absence de statistiques consolidées, un cadre réglementaire insuffisant et une méfiance persistante entre certains expatriés et les institutions publiques freinent toute tentative de structuration.
Pour plusieurs experts, les transferts de la diaspora pourraient devenir un levier économique plus puissant s’ils étaient partiellement orientés vers des secteurs productifs. La mise en place de mécanismes incitatifs — tels que des fonds de co-investissement, des obligations pour la diaspora ou des programmes dédiés à l’entrepreneuriat diasporique — permettrait de canaliser ces ressources vers l’agriculture, la transformation, les services numériques ou les PME locales. Des pays comme le Sénégal, l’Éthiopie ou le Cap-Vert ont déjà expérimenté ce type d’outils avec un certain succès.
En dehors de leur impact financier direct, les diasporas tchadiennes contribuent également à des initiatives communautaires : financement d’écoles, de centres de santé, de projets sociaux ou d’infrastructures locales. Leur engagement dépasse le simple transfert d’argent pour devenir un vecteur de solidarité et de développement local.
Dans un contexte marqué par les difficultés économiques, le chômage massif et les défis climatiques, les envois de fonds constituent l’une des ressources les plus stables et résilientes pour les familles tchadiennes. Ne pas structurer ce potentiel revient à ignorer un pilier essentiel de l’économie nationale.
Intégrer pleinement les diasporas dans les stratégies économiques du pays, reconnaître leur rôle, sécuriser leurs transferts et leur offrir des perspectives d’investissement structurées permettrait au Tchad de transformer cette force dispersée en un véritable moteur de développement.




